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Guerre en Ukraine: le cycliste Pavel Sivakov, de nationalité sportive russe, passe sous pavillon français

Le coureur franco-russe d’Ineos Grenadiers, 24 ans, vient d’obtenir la nationalité sportive française et ne roulera plus pour la Russie.
«Je voulais devenir Français depuis un certain temps, mais compte tenu de ce qui se passe en Ukraine, je voulais accélérer les choses», a déclaré le cycliste Pavel Sivakov. Ici en septembre 2019, au Royaume-Uni. (Chris Auld/Future Publishing.Getty Images)
publié le 4 mars 2022 à 17h57

Le 12 septembre 2021, un Pavel Sivakov bien en jambes quoiqu’un peu court boucle la course en ligne des championnats d’Europe à Trente (Italie), une honorable 9e place à la clé. Affublé du dossard blanc et rouge siglé «Russia», il ne sait pas encore qu’il vient de rouler pour la dernière fois en compétition officielle sous pavillon russe. Des années que Pavel Sivakov espérait la naturalisation sportive française. Sa requête a finalement été entendue par l’Union cycliste internationale (UCI) ce vendredi : le coureur d’Ineos Grenadiers, 24 ans, est dorénavant enregistré sous licence française.

Nul doute que le conflit ukrainien a accéléré la donne, comme le rappelle Sivakov lui-même : «Je voulais devenir Français depuis un certain temps et j’en avais déjà fait la demande à l’UCI, mais compte tenu de ce qui se passe en Ukraine en ce moment, je voulais accélérer les choses», raconte-t-il sur le site internet d’Ineos, tout en remerciant «l’UCI et l’équipe d’Ineos Grenadiers de [l’]avoir soutenu dans ce processus et d’avoir contribué à en faire une réalité».

A l’instar de son compatriote Aleksandr Vlasov – désormais unique coureur cycliste russe au sein du peloton WorldTour (la première division mondiale) –, Sivakov s’est vite positionné contre le Kremlin. Dès l’entrée des troupes russes en territoire ukrainien, il se fendait d’un post Instagram : «Je veux juste dire que je suis totalement contre la guerre et que je ne peux pas esquiver ce qui se passe en Ukraine. Toutes mes pensées vont au peuple ukrainien. […] Je veux aussi faire comprendre que la plupart des Russes ne veulent que la paix et n’ont jamais demandé à ce que tout cela se produise. Nous ne devrions pas être la cible de haineux juste en raison de notre origine.»

«On connaît son potentiel»

Concrètement, cela signifie que Sivakov pourra désormais se présenter sur la ligne de départ des championnats de France, et surtout représenter la France lors des grands rendez-vous internationaux type championnat du monde et Jeux olympiques. Pas un mince renfort, quand on connaît le pedigree du bonhomme : depuis qu’il est passé pro il y a quatre ans, ce bon grimpeur, spécialiste des courses à étapes, compile déjà un Tour de Pologne (2019), un Tour des Alpes (2019) et un top 10 sur un grand tour (9e du Giro 2019).

Le patron de l’équipe de France, Thomas Voeckler, se réjouit de cet «atout supplémentaire» auprès du Parisien. «Sans trahir un grand secret, j’étais déjà en discussion avec Pavel depuis plusieurs mois mais cette accélération est une très bonne chose quand on connaît son potentiel.» D’autant qu’en raison du contexte, l’UCI a assoupli son règlement concernant le changement de nationalité sportive. Les athlètes russes ou bélarusses ayant une autre nationalité à la date du 28 février peuvent désormais arborer leurs nouvelles couleurs sur les prochaines compétitions sans attendre le traditionnel délai d’un an.

C’est précisément le cas de Sivakov, qui possède la double nationalité franco-russe depuis 2017. Jusqu’ici, il roulait en compétition sous pavillon russe (il compte même un titre de champion de Russie junior, en contre-la-montre) sans avoir jamais habité en Russie. Il est né dans la région de Venise à San Donà di Piave, de parents russes et professionnels du vélo, comme lui. Sa mère, Aleksandra Koliaseva, peut se targuer d’une double couronne de championne du monde de contre-la-montre par équipes (en 1993 et 1994) avec la sélection russe.

Son père, Alexei, affiche une carrière plus confidentielle. C’est pourtant lorsque ce dernier dégote un contrat au sein du Saint-Michel-Auber 93, formation historique de la banlieue parisienne, que la famille déménage pour la France. Avec Pavel Sivakov, 1 an tout juste. «La France est l’endroit où j’ai grandi et fait mes études, où je suis tombé amoureux du vélo, ce qui m’a conduit à la compétition. C’est comme chez moi», abonde Sivakov sur le site web d’Ineos.

«Un rêve de courir pour la France»

Il passe la majeure partie de son enfance en Haute-Garonne. A Soueich, dans la demeure familiale, et dans le Saint-Gaudens voisin, où il acquiert sa première licence de cycliste, vers ses 13 ans. Plusieurs succès dans des courses réputées (le Tour des Flandres juniors et le Tour de Haute-Autriche juniors en 2015) lui ouvrent les portes de l’équipe BMC Developement, la formation réserve du team BMC Racing, avant de signer son premier contrat pro chez le mastodonte Sky, en 2018.

Au vu de son jeune âge et de ses résultats prometteurs, certains observateurs pensent qu’il pourrait, à l’avenir, prendre part aux grosses bagarres dans les courses de trois semaines, type Tour de France. Voire viser le général. Pour l’instant, Sivakov garde un piètre souvenir de la Grande Boucle : pour sa première participation à l’occasion de l’édition 2020, il a chuté dès la première étape avant de subir le reste de la course. A l’écouter, lui a une autre ambition : «Ce serait un rêve de courir à Paris aux Jeux olympiques de 2024 pour la France.» Et ramener une médaille ?