Dimanche, lorsqu’il aura passé la ligne de Paris-Tours, Arnaud Démare en aura définitivement fini avec la vie de cycliste professionnel. «L’heure est venue», a annoncé ce jeudi 9 octobre sur son compte Instagram le Picard, 34 ans, qui évolue depuis août 2023 dans l’équipe française Arkéa-B & B Hotels, menacée elle-même de disparition à la fin de l’année, faute de repreneurs.
Si le coureur originaire de Beauvais s’est fait plus discret sur la ligne d’arrivée ces dernières années, c’est bien une grande figure du cyclisme tricolore qui va remiser le casque, après déjà les adieux fin 2023 de Thibaut Pinot - longtemps son coéquipier chez Groupama-FDJ - et de Romain Bardet, en juin.
En carrière, Démare affiche pas moins de 97 victoires, le troisième total le plus élevé au niveau mondial pour les coureurs en activité derrière l’extraterrestre Tadej Pogacar (107) et le Norvégien Alexander Kristoff (98), qui vient lui aussi d’annoncer sa retraite. En France, seuls les légendes Bernard Hinault (146), Laurent Jalabert (140) et Jacques Anquetil (118) ont davantage gagné.
«Jamais je n’imaginais réaliser tout ça»
A son actif, un Monument (Milan-Sanremo 2016), deux étapes du Tour de France, huit du Giro, trois titres de champion de France et une flopée de courses de moindre relief, «mais qu’il faut gagner» comme il l’expliquait en début d’année.
Le triple champion de France ambitionnait alors toujours de franchir le palier des cent victoires en pro. Le «rêve» s’est éloigné ces derniers mois et 2025 est, pour l’instant, vierge de succès. Une première depuis ses débuts en professionnel il y a treize ans.
Il faut dire que ces deux dernières saisons ont été particulièrement agitées sur le plan extra-sportif pour cet homme sensible et très attaché à ses racines picardes. En 2023, il s’était senti «trahi» après sa non-sélection pour le Tour de France par son équipe de toujours, Groupama-FDJ, et marqué par les critiques à son encontre de son coéquipier David Gaudu sur les réseaux sociaux. Il s’est consolé avec la naissance de sa fille et la main tendue d’Emmanuel Hubert, le patron d’Arkéa-B & B Hotels où il a trouvé refuge.
«Il se passe quoi après la mort ?»
L’année dernière a été plus éprouvante encore pour Arnaud Démare lorsque son épouse Morgane a traversé une grave dépression, entraînant une hospitalisation de près de trois mois. Il a su rebondir en fin de saison mais confiait que les longues périodes loin de sa famille lui pesaient de plus en plus, même s’il baigne dans le milieu depuis toujours avec son père, Josué, ancien coureur qui conduit encore régulièrement le scooter pour l’entraîner, et sa mère, Nadine, également ancienne cycliste.
«J’ai été baigné dans cette passion en famille, et c’est elle qui m’a porté toutes ces années», a expliqué le Picard. «J’ai commencé le vélo à 6 ans. J’ai eu la chance de vivre mon rêve, de gagner de grandes courses et de représenter fièrement le cyclisme français au plus haut niveau. Jamais je n’imaginais réaliser tout ça», souligne-t-il dans son message publié ce jeudi sur les réseaux sociaux, accompagné d’une photo où il tient la main de sa fille.
«Mais la compétition restera toujours en moi. Vous me verrez encore avec un dossard, dans le sport en général, pour le plaisir, tout simplement», promet ce compétiteur dans l’âme, qui a toujours été sensible à laisser une trace après sa carrière mais aussi sa vie.
«J’ai toujours voulu marquer l’histoire de mon sport, disait-il en 2024. C’est con mais j’ai peur de ce qui se passera après, quand je ne serai plus là. J’étais encore très jeune lorsque j’ai demandé à mes parents : il se passe quoi après la mort ? Alors peut-être qu’on dira : c’est lui qui a gagné trois Championnats de France.» Et bien plus que ça.