Le Tour d’Espagne cycliste, qui en est à mi-parcours, va-t-il pouvoir se poursuivre normalement ? La onzième étape - une boucle autour de Bilbao - a été neutralisée ce mercredi 3 septembre alors que des dizaines de manifestants pro-palestiniens étaient massés près de l’arrivée. Lors d’un premier passage du peloton sur la ligne, plusieurs d’entre eux ont tenté de forcer les barrières dans la dernière ligne droite, en dépit d’un important dispositif policier. Des conditions de sécurité insuffisantes aux yeux des organisateurs, qui ont décidé de ne pas déclarer de vainqueur d’étape, et d’écourter le parcours de trois kilomètres pour ne pas faire rallier le centre-ville de Bilbao au peloton.
Après s’être élancée d’Italie, la course a rejoint l’Espagne le 27 août, et l’on pressentait alors que les revendications politiques allaient se faire entendre dans un pays qui a officiellement reconnu l’Etat palestinien l’an passé. Ce jour-là, les coureurs doivent disputer un contre-la-montre par équipes. Et déjà, une poignée d’activistes barrent la route aux membres de l’équipe Israel Premier-Tech, sans provoquer de chute mais en retardant de quelques secondes les coéquipiers du leader américain Matthew Riccitello.
Le directeur de la Vuelta, Javier Guillen, avait alors annoncé que les organisateurs déposeraient une plainte auprès de la police, qualifiant cette manifestation d’«acte de violence». La ministre de la Jeunesse espagnole, Sira Rego, avait jugé «absolument inacceptable» de qualifier de «violente» une «protestation pacifique» contre une équipe soutenue par un Etat accusé de «violence systématique» dans la bande de Gaza.
«Notre sécurité n’est plus garantie»
Depuis ce premier incident, pas un jour ne s’est passé sans que des villages entiers ne se parent de drapeaux palestiniens ou de pancartes interpellant les coureurs de l’équipe israélienne. Mardi, Simone Petili, de l’équipe belge Intermarché-Wanty, a chuté lorsque plusieurs manifestants ont traversé la route au passage du peloton lancé à vive allure, obligeant les coureurs à freiner brutalement. «Je comprends que la situation n’est pas bonne mais hier j’ai chuté à cause d’une manifestation sur la route. S’il vous plaît, nous sommes juste des coureurs cyclistes qui faisons notre travail et si ça continue comme ça notre sécurité n’est plus garantie. Nous nous sentons en danger. Nous voulons juste courir ! S’il vous plaît», a insisté l’intéressé sur les réseaux sociaux.
«Alors que nous respectons le droit de manifester pacifiquement, des actions mettant en danger les athlètes sont inacceptables», a jugé, de son côté, le président du syndicat des coureurs CPA, Adam Hansen. Des incidents similaires avaient eu lieu en juillet dernier lors du Tour de France, où un militant pro-palestinien avait perturbé l’arrivée de l’étape à Toulouse, et au Tour d’Italie en mai. Pour l’heure, aucune voix n’a publiquement évoqué le possible retrait des coureurs de l’équipe Israel Premier-Tech de la Vuelta.
Une équipe au rôle d’ambassadrice
L’équipe Israel Premier-Tech, auparavant Israel Start-Up Nation, est l’œuvre d’un Canado-Israélien de 66, ans, Sylvan Adams, dont les cartes de visite ne laissent aucun doute sur sa volonté : «Ambassadeur autoproclamé pour Israël». Celui qui pédale parfois sur les fins d’étape du Tour de France avant les coureurs a monté cette structure en 2020, une équipe de première division mondiale qui a notamment recruté la star sur le déclin Christopher Froome, quadruple maillot jaune de la Grande Boucle. Le milliardaire assumait auprès de Libération en 2020 son ambition : présenter l’Etat hébreu comme une «démocratie vibrante et robuste», un «pays normal, sûr, ouvert et tolérant», à rebours d’un traitement selon lui «pas toujours équilibré dans les médias».
Sylvan Adams, invité à l’investiture du président Trump, a été nommé en mars président du Congrès juif mondial en Israël, un conglomérat d’organisations juives. Dans une interview à l’organisation TheMediaLine, en avril 2024, il affirmait que la guerre menée par Israël à Gaza était «la guerre urbaine la plus humaine de l’histoire des conflits». A ce jour, elle a fait plus de 60 000 victimes palestiniennes, majoritairement des civils, selon des données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l’ONU.