Des pavés en grès caramel. Nacrés de rouge et de gris. Un sentier en pente douce, borduré par des cultures de pommes de terre, de maïs, de lin, de choux et de betteraves qui partiront pour la sucrerie centrale de Cambrai (Nord), très proche. Des coquelicots se cachent tout en haut des digues enserrant la voie, rasées la semaine dernière et déjà desséchées. Le vent fait respirer les champs et une rumeur calme les parcourt. Le chaos est promis ici. Le Tour de France vient ce mercredi s’encanailler sur les routes de Paris-Roubaix et le secteur pavé qui part d’Eswars pour rejoindre Paillencourt fait frémir l’aristocratie du peloton. Le souverain lui-même, en réalité : Tadej Pogacar. Sur les 19 kilomètres de chemins de pierre de l’étape, UAE, la formation du double vainqueur sortant de l’épreuve et grand favori au jaune à Paris, a pointé du doigt ce secteur-là en avril. «C’est de la folie ! Vous cherchez seulement à créer du danger !»
«Au pire, il y aura une clavicule de déboîtée…»
Posté sur le chemin, Jean-Marie Doerler, figure locale et battante du vélo dans le Cambrésis qui tient à bout de bras le club de Cambrai. C’est lui qui a remis sur la carte des courses ce secteur, il y a dix ans, avec des épreuves de jeunes. Il se place dans la peau d’un directeur sportif : mieux vaut arriver dans les premières positions. Et en même temps, si on peut éviter tout risque, au chaud derrière les cadors… L’homme, 73 ans, barbe très blanche, dit que rien n’est sûr. Le secteur lui semble à la fois dangereux, mais pas plus qu’un autre