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Libération
Etape 11

Tour de France 2024 : au Lioran, Pogacar et Vingegaard en surplomb du Cantal

L’équipe du maillot jaune a mené une cadence infernale lors de cette onzième étape sillonnant le Massif central, mais c’est bien son rival danois qui l’a claqué à l’arrivée. Les deux sont déjà un cran au-dessus des autres.
Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar à l'arrivée au Lioran, ce mercredi. (Stephane Mahe/Reuters)
publié le 10 juillet 2024 à 17h58

C’était l’étape des échappés. La course des déserteurs. Celle des déjà-vaincus, manœuvrant sur ligne de fuite, en quête d’un peu de plaisir ou d’espoir. Ils n’ont rien eu de tout ça. Ils ont fini martyrisés, sur cette route longue de 211 bornes, s’achevant dans le Massif central.

Le peloton est parti ce mercredi 10 juillet avant l’heure du déjeuner, sous la menace d’une chape grise. Il a emprunté pour cette onzième étape entre Evaux-les-Bains et le Lioran, le territoire des panneaux de communes à l’envers, symbole des syndicats agricoles en colère. Celui des haies naturelles qui sectionnent de vastes prairies. Des lieux-dits qui cadencent les départementales. Le Tour a fait irruption dans la Creuse, le Puy-de-Dôme, le Cantal et même une pincée de Corrèze. Au kilomètre 12, une auberge en pierres sèches, déjà, dans un élan de prescience et d’attendrissement, affichait sur sa devanture : «Gloire aux lanternes rouges». Ils seront nombreux à abandonner (Ion Izagirre, Renard de la Cofidis) ou s’abîmer dans la souffrance (Fabio Jakobsen de la DSM).

Deux heures durant, sur une route tordue et poreuse, aux grains généreux, la machine émiratie, l’équipe du maillot jaune Tadej Pogacar, a mené une allure insoutenable, près de 50 km/h. Les villages creusois, aux façades couleur grisaille, comme les sous-bois puydomois rutilants, ont défilé à toute blinde. Des coureurs, malgré tout, ont cherché à se faire la belle, avec plus ou moins de réussite, Oier Lazkano (Movista), Thomas Pidcock (Ineos-Grenadier), Richard Carapaz, Ben Healy (EF Education-EasyPost) ou encore la jeune promesse française Romain Grégoire (Groupama-FDJ). Vers Neyrecombe (kilomètre 141), l’horizon s’est ouvert en éventail. Et il révélait le plus dur : les difficultés étaient encore à venir. A savoir le col de Néronne, à 42 kilomètres de la ligne d’arrivée, qui a rompu le peloton. Et surtout le Pas de Peyrol, sur le massif à l’allure reposante du Puy Mary.

Caresses du public

L’équipe de Pogacar a colleté tous les fuyards. Si le peloton s’est disloqué en plusieurs groupes, il l’a fait par l’arrière. Même le virage dédié à Romain Bardet, premier maillot jaune de ce Tour et qui effectue sa dernière Grande Boucle, termine à l’arrière-plan. La dernière fois sur la route du Puy Mary, en 2020, il avait subi une commotion cérébrale après une chute. Cette fois, le Français a pris les caresses de son public, il a cherché de ses doigts l’affection des bords de route.

Les lieutenants du maillot jaune ont accéléré un à un et, bientôt, à 31 kilomètres de l’arrivée, c’est Pogacar lui-même qui a cinglé son attaque, dans les rampes les plus raides de ce col de première catégorie, dans son style personnel, en sprintant tandis que la route se cabre. Dans l’instant, personne n’a suivi. Si Primoz Roglic et le maillot blanc Remco Evenepoel ont dévissé, Jonas Vingegaard est resté à portée. Dans le col de Pertus, il est revenu mètre après mètre. Finalement, le Danois a pris son rival à son propre jeu, lui claquant la victoire en se montrant plus rapide lors d’un sprint à deux. A l’arrivée, le leader de la Visma-Lease a bike est en larmes : «C’est beaucoup d’émotions, revenir de cette chute (au Tour du Pays basque début avril, ndlr), ça signifie beaucoup pour moi. Tout ce que j’ai traversé ces derniers mois, je n’aurais jamais pu réussir sans ma famille.»

Du reste, l’étape n’a pas fait avancer la grande histoire. La moyenne montagne, comme la grande, révèle une chose : quand les pourcentages s’élèvent, seuls deux coureurs rivalisent pour la victoire finale, comme lors des trois dernières éditions. Roglic et Evenepoel se battent pour les places d’honneur et Pogacar et Vingegaard imposent leur loi. S’ils souhaitent remporter l’étape et martyriser le peloton, ils le peuvent. Le fait des princes.