Les Pyrénées ont offert ce week-end ce qu’elles avaient de plus beau et de plus difficile. Le Tourmalet et Pla d’Adet en apéritif samedi. Et dimanche, une étape terrible. Elle était digne de vieux contes de bergers, des histoires de cols qu’on escalade sans fin, des lacets tortueux qui se perdent dans les forêts et quand enfin voilà une vallée, un soleil de plomb écrasant les corps. Peyresourde, Menté, Portet-d’Aspet, Agnès, le Plateau de Beille, quatre cols de première catégorie, un hors catégorie, 4 800 m de dénivelé positif, une folie.
Il n’y aurait que la montagne, le peloton pourrait survivre. Il enverrait une échappée prendre de l’avance, quinze aventuriers se disputer la victoire. Après, il prendrait un peu son temps, admirerait les vaches, piquerait une tête dans un lac. Mais la troupe est menée par deux cochers adverses qui ne cessent de les fouetter. Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard veulent tout. Le Tour, les étapes, faire sauter les records d’ascension, pop, pop, des bouchons de champagne, et surtout écraser l’autre. Pour satisfaire leur désir d’hégémonie, tout le monde se retrouve à abîmer les pédales. Les fuyards sont retenus par un fil invisible. Les cerfs-volants du jour sont toujours restés à moins de quatre minutes, n’ayant aucun espoir.
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Tout s’est joué dans la dernière ascension du plateau de Beille (15,8 km, 7,9 %). Après un samedi où l’équipe UAE avait mis sur orbite Tadej Pogacar, la Visma a voulu répliquer. D’ordinaire, les longues étapes avec un dénivelé himalayesque et des longs cols casse-pattes conviennent à Jonas Vingegaard. Ces deux dernières années, il a toujours su en profiter. Cet été, il revient d’une grave chute et sa Nemesis a «les meilleures jambes de sa vie».
Le rapport de force s’est inversé. Ça s’est à nouveau vu. A 10,5 km de l’arrivée, Jonas Vingegaard a accéléré, pour la première fois depuis deux semaines. Le petit groupe des favoris a explosé, sauf Tadej Pogacar, qui s’est mis dans sa roue. Pendant cinq bornes, le premier, en rouge et blanc, a tracté le gaillard en jaune. En vain. PacMan, quand il en a eu envie, le Slovène l’a mangé. Il est parti seul, sans un regard pour le Danois déchu mais peut-être avec une pensée pour Marco Pantani. L’Italien s’était imposé lui aussi en haut du plateau pour réaliser le doublé Giro-Tour. C’était en 1998, les années EPO. Tadej Pogacar est allé 3 minutes plus vite que le pirate maudit. Trois minutes, c’est aussi l’avance au classement général qu’il a désormais sur Vingegaard. Un gouffre.