Un Tour de France du quart Sud-Est. On exagère un peu, mais pas beaucoup en découvrant la grande affiche fléchée du Tour version 2024, présentée ce mercredi 25 octobre dans un Palais des Congrès de la porte Maillot (XVIIe arrondissement) comble, par Thierry Gouvenou, le directeur technique des épreuves d’ASO (Amaury Sport Organisation, détenteur du Tour) et grand chef du tracé.
Comme de coutume, les annonces triomphales de certains élus locaux, réservations d’hôtels et autres observations de témoins qui ont pu croiser des responsables du Tour pendant leurs repérages avaient déjà permis d’en esquisser les grands contours. Reste que le tracé de cette 111e édition demeure inédit à plus d’un titre.
Les deux principales attractions (départ et arrivée) avaient déjà été officialisées depuis des mois, liées à la tenue des Olympiades parisiennes 2024 (26 juillet-11 août) qui influe à la fois sur les dates et le tracé de cette Grande Boucle de 3 492 kilomètres. Le Tour s’élancera donc quelques jours plus tôt que d’habitude (le 29 juin), de l’étranger pour la 26e fois de l’histoire, la troisième d’affilée après Copenhague en 2022 et Bilbao 2023. Décision «assumée et revendiquée» par le directeur du Tour, Christian Prudhomme, pour soulager les forces de l’ordre déjà mobilisées par les Jeux.
Départ de Florence, arrivée à Nice
Top départ de Florence, ce qui mettra fin à une anomalie de l’histoire, puisque ce sera la première fois que l’Italie connaîtra un grand départ, cent ans après la victoire d’Ottavio Bottecchia. Au total, il y aura trois étapes complètes en Italie. L’inaugurale qui amènera les coureurs à Rimini, où est mort Marco Pantani en 2004, est l’une des plus exigeantes du Tour : 3 600 mètres de dénivelé positif, sept difficultés répertoriées à franchir dont un petit écart par la république de Saint-Marin.
Avant d’entrer sur le territoire français par une première et brève incursion dans les Alpes, qu’on retrouvera en fin de parcours avec l’arrivée inédite à Nice le 21 juillet. Choix dicté là encore par les JO, puisque Paris sera en pleins préparatifs. Une révolution tout de même, car le Tour s’est toujours terminé sur les Champs-Elysées, sans exception depuis 1975. Pour couronner cette entorse historique, la dernière étape proposera, au lieu de l’amicale procession jusqu’aux Champs, un contre-la-montre individuel potentiellement décisif entre Monaco et Nice, trente-cinq ans après la victoire, avec huit secondes d’écart, de Greg Lemond face à Laurent Fignon en 1989. Et ce chrono s’annonce comme un vrai juge de paix puisqu’il montera à la Turbie, puis au col d’Eze, avant de finir place Massena à Nice après 35,2 km.
Mais nul doute qu’il y aura déjà eu du grabuge entre l’Italie et la Promenade des Anglais. Difficile de faire plus montagneux que le tracé 2023, mais le parcours 2024 devrait être agréable aux attaquants, même s’il s’annonce un peu moins montagneux que celui de la dernière édition. Plusieurs sommets mythiques figurent sur le plan : le Galibier, le Tourmalet, la cime de la Bonette (2 802 m) pour équilibrer le retour d’un deuxième contre-la-montre individuel qui fait office d’appel du pied au Belge Remco Evenepoel, champion du monde et vainqueur de la Vuelta 2022.
Sillonneurs en herbe
Après le premier acte transalpin, place à une déambulation très bourguignonne, entre les coteaux de Beaune et les vignes de Nuits-Saint-Georges et Gevrey-Chambertin. Un focus a été fait sur la 11e étape : un périple pentu à souhait d’Evaux-les-Bains, dans la Creuse, à la petite station de ski du Lioran, dans les monts du Cantal. Ode vibrante à la moyenne montagne et ses aléas, c’est du moins ce qu’espère le duo de sillonneurs en herbe Prudhomme-Gouvenou, qui a jeté son dévolu sur cette route du centre-ouest. Le spectateur y regardera les équipes World Tour enchaîner quatre ascensions répertoriées dans les cinquante derniers kilomètres avec les cols de Néronne (3,8 km à 9,1 %), du Pas de Peyrol (5,4 km à 8,1 %), du Perthus (4,4 km à 7,9 %) et de Font de Cère (3,3 km à 5,8 %), tous plantés entre 1 200 et 1 600 m d’altitude.
Des paysages parfois subalpins, surtout dans le Pas de Peyrol menant au Puy Mary, vestige du plus grand strato-volcan d’Europe et classé Grand Site de France, où le Colombien Daniel Martínez s’était imposé en 2020 en plein Covid. «C’est l’étape coup de folie : 150 premiers kilomètres qui sont sinueux, ça monte, ça descend, c’est usant. Et puis boum : une série de murs. C’est parfait pour un coup de Jarnac», s’enthousiasme Christian Prudhomme.
Le Grand Ouest encore boudé
Une troisième semaine exposée plein sud, où les coureurs défileront dans le Gard, se tireront la bourre près des Arènes de Nîmes où les risques de «bordures» en cas de fort Mistral pourraient saler la course. Ce qu’il restera du peloton à ce moment partira ensuite à la conquête des Hautes-Alpes, où se succéderont stations (Super-Devoluy, Isola 2000 comme annoncé récemment par le maire de Nice, Christian Estrosi). Avant de s’offrir un sacré tour de montagnes russes avec une étape courte (132 km) mais vertigineuse (4 400 mètres de dénivelé) jusqu’au sommet du col de la Couillole en guise d’avant-dernière étape.
Autre première notable, plus attristante : la Grande Boucle délaisse pour la troisième fois consécutive le Grand Ouest. Aucune étape ne traversera ni la Normandie, ni la Bretagne, ni les Pays-de-la-Loire. Hors de question pour les organisateurs de laisser la vague d’intérêts et les pics d’audience cumulés de juillet retomber avec des courses de plaine soporifiques, dit-on en haut lieu. «Aujourd’hui, en rigolant, je dis souvent aux gens qui critiquent : “Seriez-vous prêt à ce que je vous attache sur une chaise pour regarder une étape Nantes-Bordeaux, toute plate, toute l’après-midi ? Et qu’on fasse ça plusieurs jours de suite… Personne n’est prêt à subir ça aujourd’hui”», a lâché Thierry Gouvenou à Ouest-France mercredi.
Un Tour féminin franco-néerlandais
C’est devenu, aussi, une habitude : on connaît le tracé de la déclinaison féminine du Tour, elle aussi influencée par les JO. En 2023, le peloton était parti de Clermont-Ferrand pour un voyage de huit étapes incluant le Tourmalet. Placée jusque-là dans le prolongement du Tour Hommes, la course s’élancera cette fois le 12 août en raison des Jeux de Paris qui se termineront la veille, pour une arrivée prévue le 18 août, au sommet du légendaire Alpes-d’Huez. Et pour leur troisième odyssée aoûtienne, les coureuses donneront leurs premiers coups de pédales de Rotterdam. Un «Tour de France-Pays-Bas» (trois des huit étapes auront lieu à l’étranger), dont deux le même jour (!), avec notamment un contre-la-montre pour compenser le fait que la course comptera un jour de moins.