Mont Ventoux. La croyance populaire y entend le dérivé de «mont venteux». Or, selon l’auteur britannique Julian Barnes, «la vraie étymologie, vinturi, de la racine ligure ven, signifie montagne : “le mont montagne”. Un lieu propre à donner aux coureurs le sentiment qu’ils gravissent non pas un, mais deux sommets.»
Ce mercredi, davantage qu’un sentiment, cette tautologie était réalité : double ascension du Ventoux, une première sur le Tour de France. 198,9 kilomètres entre Sorgues et Malaucène (Vaucluse), une étape moite, nerveuse, avec une échappée qui peine à se constituer. Au bout d’une heure à entendre chanter les cigales et à respirer les fragrances qui émanent des champs de lavande, quatre hommes à l’avant, dont le champion du monde français, Julian Alaphilippe. Suivent deux des plus beaux villages de France, Gordes, perché sur la roche, son château, ses cabanes en pierre sèche, et Roussillon, ses ocres magnifiques, falaises parfois sculptées. Ces beautés dépassées, un groupe d’une dizaine de coureurs, avec le Belge de Jumbo-Visma Wout Van Aert, les rejoint à mi-étape.
La première ascension du Ventoux, par Sault, fait le tri. Derrière, le Breton David Gaudu, nauséeux, est décroché. Descente et nouvelle ascension, par Bédoin cette fois, plus difficile. Julien Bernard roule pour ses chefs de file Kenny Elissonde et Bauke Mollema. Bernard, fils de Jean-François, vainqueur d’un contre-la-montre au Ventoux en 1987, se range au pied du mont Chauve. A 14 kilomètres du sommet, Elissonde attaque, Van Aert le rattrape et le dépasse quatre bornes plus loin : personne ne le reverra, si ce n’est les supporteurs belges venus en masse sur les bords de route.
C’est le même Van Aert (1,90 m, 78 kg) qui terminait deuxième du sprint massif ce mardi, à un boyau du revenant Mark Cavendish. Le même que celui qui disait être «trop gros» pour bien figurer au classement général. Le même que celui qui annonçait avoir travaillé les sprints avant le Tour, donc avoir perdu des qualités pour grimper. Mais aussi le même qui volait l’an dernier dans les Alpes. Un champion de Belgique qui est un des meilleurs sprinteurs et gagne des étapes de montagne, difficile de ne pas penser à Eddy Merckx.
Merckx au Ventoux, un des nombreux chapitres de l’histoire du mont Chauve. En 1970, le Belge, maillot jaune, s’impose sous une chaleur étouffante. Interviewé après course, il n’arrive pas à répondre : «C’est pas possible, j’étouffe.» Merckx s’effondre. Il est transporté vers une ambulance. On est trois ans après la mort de l’Anglais Tom Simpson sur les pentes du géant de Provence. Inquiétude de rigueur mais vite dissipée : Merckx va bien, il se présentera en jaune à Paris.
Un demi-siècle plus tard, le Ventoux n’a pas changé. Tout juste le bitume, lisse comme un terrain de golf, a sacrément rajeuni. Pour le reste, beaucoup de vent, aucun abri dans les derniers kilomètres, juste cette pierre blanche, ce décor sélénien, théâtre, parfois, de performances lunaires. En 1994, le plus grand gabarit du peloton s’impose à Carpentras, après escalade du Ventoux. Echappé seul, Eros Poli (1,94 m, 85 kg) avait perdu vingt minutes dans l’ascension mais gardé un petit matelas sur Pantani et consorts.
Ce mercredi, l’échappé Van Aert avait quatre minutes d’avance au pied, il en gardait deux au sommet sur le groupe de favoris, mené par Jonas Vingegaard. L’équipier danois de Van Aert chez Jumbo-Visma, qui a éclos cette saison, a lâché Tadej Pogacar à un kilomètre du sommet mais n’a pas su garder, dans la descente, les 40 secondes glanées en montée. Le Slovène dit «avoir beaucoup souffert», mais ne perd pas la moindre seconde et son mini-coup de mou l’aura peut-être un peu humanisé aux yeux de certains : une belle journée pour lui.
Dans la partie finale de l’ascension, la foule se fait de plus en plus survoltée. Plus on grimpe, plus les mollets sont épilés et les cuissards nombreux parmi les spectateurs. Le col a été fermé aux voitures dans les derniers kilomètres, les plus spectaculaires. Avec la blancheur de la pierre qui se mêle aux nuages accrochés à l’immense antenne, le panorama est magnifique, les badauds tout autant. Beaucoup de déguisements, des hommes-vaches, un gorille, Superman, un homme radar… Placé dans la descente, il aurait pu dresser des PV : 99 km/h pour Julian Alaphilippe, 107 km/h pour l’Italien Vincenzo Nibali dans la première descente vers Malaucène.
Si le Ventoux traverse les décennies sans perdre de son magnétisme, le cyclisme - de sa technologie à ses acteurs - évolue, lui, à toute vitesse. A croire qu’il fallait une double ration, chose inédite, pour se mettre au niveau du peloton.
La décla
But we are doing it twice, so shouldn't Ventwo x 2 = Ven-four? https://t.co/1c8tgPR51c
— Toms Skujiņš (@Tomashuuns) July 7, 2021
Avant le début de l’étape 11, le coureur letton a envoyé cette vanne sur Twitter (en anglais). On like (et nous aussi on fait des jeux de mots en titre).
Chose vue
Il neige sur le Ventoux. #TDF2021 pic.twitter.com/j9ZTscHSRM
— Gaëtan Goron (@guegoethe) July 7, 2021
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La question du jour
L’étape de ce jeudi part de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Combien y a-t-il de communes françaises avec le mot «trois» inclus dedans ? Exemple : Troissy (51) marche mais Troyes (10) non.
♦Trois
♦Trois puissance trois soit vingt-sept
♦Trois cent trois
♦Trois cent trente-trois
Réponse demain !
Réponse de la question d’hier : des amphétamines.
Le profil de l’étape de demain
La stat : 107,8 km/h
La vitesse maximale atteinte ce mercredi par l’Italien Vincenzo Nibali dans la première descente du Mont Ventoux. Julian Alaphilippe était à près de 100 km/h.
Le dico du vélo
Cadence de pédalage
C’est le nombre de tours effectués par la pédale sur une minute. 70, 80, 90, parfois 100 tours par minute… chacun a son rythme de pédalage. Mais, contrairement à ce qu’on pense généralement, en montagne, vaut mieux augmenter la cadence, mettant ainsi moins de force sur la pédale, et se fatiguant moins rapidement.