On vous résumerait bien la fin de l’étape du jour mais on l’a déjà fait hier. Et encore, mercredi, il y avait un peu de suspense. Tadej Pogacar est plus fort que tout le monde, sur tous les terrains. Dans les derniers hectomètres de l’étape, il a planté dans l’asphalte les deux mêmes faire-valoir que la veille. Le Slovène s’impose à Luz Ardiden devant Jonas Vingegaard et Richard Carapaz, même ordre au classement général.
La différence avec le sommet du col du Portet ? Pogacar récupère le maillot à pois de meilleur grimpeur et aura, sauf accident, dans trois jours à Paris, la même collection que l’an dernier et peut-être des prochaines éditions aussi : blanc de meilleur jeune, jaune et pois.
A l’arrivée, les journalistes sur les plateaux télé et en salles de presse peinent à renouveler leur vocabulaire pour décrire la énième «performance XXL» du «prodige slovène». Tadej Pogacar, après n’avoir montré aucun signe de souffrance en course, monte quatre fois sur le podium de suite, victoire d’étape, maillots jaune, blanc, à pois. Puis, comme tous les jours, suit sagement le protocole presse : interview pour France 2 suivie de la visioconférence devant les journalistes internationaux. Une enfilade de «yeah», de «c’est incroyable ce qu’il m’arrive», de mots attendus sans qu’on perçoive le moindre relief par rapport à la veille.
Au petit matin, à l’heure où l’organisation installe les panneaux de signalisation et ferme les routes, on part de Pau en quête de Luz Ardiden. C’est le jour de la visite du président de la République : «Elle sera là Brigitte ?» «Il sera sur un vélo, Macron ?» entend-on des badauds attendant patiemment la caravane publicitaire. On passe à Lourdes lorsque tombe l’information majeure de cette matinée : la perquisition à l’hôtel de l’équipe Bahrain Victorious à Lescar, près de Pau, la veille au soir. La meilleure équipe sur ce Tour de France est sous le coup d’une enquête policière, vraisemblablement pour soupçons de dopage.
Victorieuse de deux étapes sur le Tour (Mohoric et Teuns), la Bahrain enchaîne les performances stupéfiantes depuis des mois. Dernières en date : les deux podiums, sur ce Tour, du sprinteur Sonny Colbrelli dans des étapes de montagne. Le parquet de Marseille, qui a ouvert le 3 juillet une enquête préliminaire «des chefs d’acquisition, transport, détention, importation d’une substance ou méthode interdite aux fins d’usage par un sportif sans justification médicale», rappelle que tous sont présumés innocents. On continue notre chemin.
Trois heures avant le passage des coureurs, montent à l’arrière de notre «Libémobile» trois auto-stoppeurs. Des amis venus de Lyon et de Paris qui, la veille dans le Col du Portet, ont vu Wout Van Aert et Julian Alaphilippe discuter quand les autres souffraient. Ils les imaginent ce jeudi échappés ensemble. En guise de remerciement, ils ont une «info» à nous donner : des propriétaires de camping-cars, depuis trois jours installés dans un joli lacet, ont été «dégagés pour faire de la place à l’hélicoptère du président Macron». Et au lieu de voir cinq minutes de spectacle en montée, ils n’auront le droit qu’à cinq secondes, relégués sur du plat à Sainte-Marie-de-Campan, au pied du Tourmalet.
Sur les côtés du géant pyrénéen, beaucoup de drapeaux pour Bruno Armirail, le gars de Bagnères. On dépose nos squatteurs à la Mongie, notre bagnole se vide et le Tourmalet se remplit, revêt, sous le soleil, son costume de lumière, comme habillé de ces sportifs en herbe alignés dans la verdure le long de ses courbures. D’abord, dans les premiers kilomètres, beaucoup de familles, des pères à vélo tractant le biclou de leur rejeton à l’aide d’une simple corde. Plus haut, quelques camping-cars avec des tables pliantes bien plantées. Puis les jambes sur les bas-côtés sont de plus en plus épilées et luisantes : elles ont gravi à la pédale le col le plus emprunté par le Tour de France depuis 1903.
On aperçoit au loin le sommet mais juste devant nous, ça mange, ça boit, ça chante Les Sardines de Patrick Sébastien, ça chute sur une chaise, ça se percute, l’un qui monte, l’autre qui descend, ça se relève, ça s’excuse, ça embaume la merguez et les remugles de transpiration. Le climax est atteint dans un embouteillage de maillots de cyclistes qui ont mis pied à terre, ce même sourire ridé par l’effort. On pense à fendre cette foule de nos quatre roues mais non, finalement, on est bien, là, coincés entre les panneaux du sommet comme au milieu d’une ruelle nîmoise pendant les ferias, et derrière 200 vainqueurs du jour, qui ont dominé le Tourmalet et ses 2 115 mètres. Une fois passé le nuage cyclo, c’est l’heure de la redescente, un fond vert violacé par les iris et blanchi, au loin : des moutons aux allures de grains de riz.
Dans la remontée vers Luz Ardiden, beaucoup de Basques, les premiers messages politiques de la journée, «sauvons le funiculaire de Barèges», «vive le Pays basque libre» et le quotidien message anti-Israël. Personne ne semble penser à Macron. Dans les quatre dernières bornes, à chaque kilomètre sa buvette, sa musique et ses âmes joyeuses, trois Slovènes, trois t-shirts et «Pog, Rog, Bog» (Pogacar, Roglic, et «Dieu» en slovène), un slogan qui claque avec du rap de leur pays en fond. Roglic a abandonné mais ils ont bien raison : là-haut, Pogacar a vu la lumière, encore une fois.
Chose vue
Beaucoup beaucoup de cyclistes amateurs dans le Tourmalet. Parmi eux, mention spéciale à Iker, qui monte en monocycle un col hors catégorie (et avec le sourire) #IkerOKLM #TDF2021 https://t.co/yT9h34mwa4 pic.twitter.com/fadCqQoMdL
— Quentin Descamps (@QDescamps) July 15, 2021
La décla
"Ah qu'est-ce qu'on est serré, au fond de cette boîte..." #Tourmalet #TDF2021 pic.twitter.com/Amf7qYNXFM
— Quentin Descamps (@QDescamps) July 15, 2021
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La question du jour
Ce vendredi, lors de l’étape Mourenx-Libourne, les coureurs passeront, à 20 kilomètres de l’arrivée, par la commune de Créon. Créon est par ailleurs roi de Thèbes dans la mythologie grecque. Il a eu trois enfants, qui est l’intrus ?
♦Lycos
♦Hémon
♦Mégara
♦Ménécée
Réponse demain !
Réponse de la question d’hier : le non-classement en zone de montagne. La menace a porté ses fruits, Loucrup deviendra zone de montagne quelques mois plus tard.
Le profil de l’étape de demain
La stat : 84
C’est le nombre de fois que le Tour de France a emprunté le Tourmalet. Col le plus familier de la Grande Boucle.
Le dico du vélo
Faire l’élastique
Le coureur qui se fait lâcher puis revient dans le groupe, et se refait lâcher et revient encore fait l’élastique (ou l’accordéon, c’est selon). Jonas Vingegaard mercredi soir.