C’était en janvier, à l’occasion des vœux d’Emmanuel Macron au mouvement sportif. Devant un parterre mêlant présidents de fédérations, athlètes et entraîneurs, le président de la République réitérait son «engagement» concernant le financement du sport en France. Une promesse selon laquelle «au-delà des Jeux de 2024, les moyens seront maintenus jusqu’à la fin de ce quinquennat, avec justement en perspective les Jeux [d’hiver] de 2030». Dix mois plus tard, deux à peine après la liesse populaire des Jeux, le sport pourtant érigé «grande cause nationale 2024», est l’un des secteurs qui pâtit le plus des coupes gouvernementales, dans le plan d’austérité budgétaire présenté par l’équipe du Premier ministre, Michel Barnier, ce jeudi 10 octobre.
La dotation consacrée à l’ensemble de la «mission sport, jeunesse et vie associative» passe de 1,77 milliard d’euros cette année à 1,54 milliard pour la prochaine. Et si l’on s’en tient aux crédits dévolus au seul volet sportif, ils passent de 889 à 715 millions d’euros, hors suites des Jeux olympiques. Si on inclue ces crédits JO. la baisse se chiffre à 259 millions, soit 22 %. Le sport est «le grand sacrifié» de ce budget 2025, résume pour Libé Régis Juanico, ex-député Génération·s, autrefois rapporteur spécial pour le budget des sports sous le quinquennat Hollande.
Variable d’ajustement
Le nouveau ministre des sports, Gil Avérous, conscient dès sa prise de poste de la menace pesant sur son portefeuille, avait peaufiné son argumentaire, avançant qu’au «lendemain des Jeux olympiques qui se terminent, il y a une certaine logique à» cette baisse des crédits, présentée comme «mécanique».
Héritage ?
«Ce n’est pas une décision logique», se désole Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, ex-présidente de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail, qui siège au CNOSF, la «maison du sport français». «Le budget 2025 aurait pu être l’occasion de pérenniser et transformer les moyens qui ont été engagés pour les JO dans le développement de la vie associative et sportive». Le sport comme variable d’ajustement à un tel moment, «c’est très étonnant», abonde Régis Juanico. Ce n’est pas ça qui aurait plombé les finances publiques globales de la nation», le secteur représentant moins d’1 % du budget global de l’Etat. «Là, c’est dévastateur par rapport à tous ceux qui se sont mobilisés pour réussir ces Jeux.»
D’autant que ces restrictions se couplent aux efforts demandés aux collectivités territoriales, qui se voient amputées de 5 milliards d’euros de subventions en 2025. Fâcheuse nouvelle, puisque sur les 20 milliards de deniers publics qui financent le sport en 2024, les collectivités soutiennent à hauteur de 12,5 milliards.
«Il y a de quoi s’inquiéter»
Or, l’aide de ces entités décentralisées est essentielle pour mener à bien les ambitions gouvernementales, à commencer par le plan pour la création de 5 000 nouveaux terrains lancé en 2021. Et ce, alors même que 40 % des équipements ont aujourd’hui plus de quarante ans, et n’ont, pour la plupart, jamais été rénovés. Comme en 2024, le soutien en faveur des équipements sportifs de proximité sera certes prolongé (100 millions) avec pour priorités les établissements de l’Education nationale, les zones rurales et la rénovation thermique des infrastructures sportives. «Mais les deux éléments moteurs pour créer l’héritage de Paris 2024, c’est le soutien à la vie associative et les équipements sportifs, pour lequel les collectivités locales ont un rôle premier. Si les moyens sont en baisse, il y a de quoi s’inquiéter», pointe Emmanuelle Bonnet-Oulaldj.
Interview
Une grande question demeure : «Dans quoi vont-ils tailler ? Est-ce qu’ils vont toucher au haut niveau [300 millions en 2024, ndlr] et à la haute performance à l’Agence nationale du sport [100 millions] ?» s’interroge Régis Juanico. Du côté amateur, le Pass’Sport, ce coup de pouce à l’inscription de 50 euros pour les jeunes, l’une des mesures phares de Macron, fait déjà les frais de l’austérité signée Barnier : 10 millions en moins pour ce dispositif créé en 2021, pourtant encore méconnu.
A plus ou moins court terme, ces coupes présentent un autre «risque», prévient Emmanuelle Bonnet-Oulaldj : «L’augmentation du coût de la pratique.» Selon la membre du conseil d’administration du CNOSF, «l’aide au fonctionnement et pour les équipements ça coûte moins cher quand il y a des subventions locales. Quand il n’y en a plus, très vite on va aboutir à des tarifs d’adhésion à 400-500 euros l’année. On est assez éloignés de l’enjeu du droit au sport pour tous. Seules les familles qui le pourront continueront à en faire.»