Moins d’une semaine après la mort soudaine de Daniel Naroditsky, les accusations visant un grand maître russe se multiplient. Alors que les circonstances du décès du prodige de 29 ans restent floues - sa famille n’a pas précisé ce qui lui était arrivé -, dans le monde des échecs, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer le comportement de Vladimir Kramnik à son égard ces derniers mois. Le Russe de 50 ans, champion du monde de 2000 à 2007 et considéré comme l’un des plus grands joueurs d’échecs de tous les temps, a accusé à de nombreuses reprises le jeune Américain de triche. Ce que Daniel Naroditsky a toujours nié.
Lors de sa dernière apparition sur Twitch, où il est suivi par plus de 300 000 personnes, le jeune maître américain avait cependant expliqué que ces accusations l’avaient bouleversé : «Depuis l’affaire Kramnik, j’ai l’impression que si je réussis, les gens imaginent immédiatement le pire.»
La Fédération internationale des échecs enquête
Daniel Naroditsky n’était pas le premier à être visé par ce genre d’accusations : «Avant lui, Kramnik avait déjà accusé des dizaines d’autres joueurs», assure le joueur et streameur français Julien Song, dans une longue publication ce week-end sur ses réseaux sociaux, où il dénonce les agissements du Russe. «Son compte sur Chesscom avait été restreint quelques mois plus tôt, la plateforme ayant jugé, après enquête, que l’immense majorité de ses accusations étaient infondées. Parmi les joueurs visés figurait notamment le grand maître David Navara, qui a ensuite révélé que ces attaques l’avaient poussé à envisager le suicide.»
Cette indignation est partagée partout autour du globe. Pour le grand maître indien Nihal Sarin, Vladimir Kramnik a fait subir à Naroditsky «un stress immense» et doit «payer pour ses actes». Le légendaire Magnus Carlsen évoque pour sa part une campagne «violente» et «horrible», alors que «personne ne pensait que Naroditsky trichait». Numéro 2 mondial, l’Américano-Japonais Hikaru Nakamura, est plus direct encore : «Kramnik peut aller se faire foutre et il peut aller pourrir en enfer.»
Le président de la Fédération internationale des échecs (FIDE), le Russe Arkady Dvorkovich, a dénoncé dans un communiqué publié mercredi des discussions dans le monde des échecs qui se transforment «ces derniers temps» en «harcèlement, intimidations et attaques personnelles». Il a également annoncé qu’il allait transmettre les déclarations faites par «le grand maître Vladimir Kramnik, avant et après la mort tragique du grand maître Daniel Naroditsky» à la «Commission d’éthique et de discipline de la FIDE pour un examen indépendant».
Interview
De son côté, Vladimir Kramnik s’est défendu mercredi dans une interview à Reuters : «Quelle déclaration publique après la mort de Daniel était incorrecte ? J’exige des éclaircissements de la part de M. le Président. Je n’ai pas intimidé Daniel Naroditsky, ni jamais proféré d’insultes personnelles à son égard.» Par la voix de son avocat, le Russe a par ailleurs dénoncé être «victime d’une campagne de haine incroyable» sur les réseaux sociaux et de la part de certains médias, pour laquelle il a saisi la justice en Suisse, où il vit.
Il a également déclaré avoir «contacté la police» américaine pour «fournir des informations complémentaires» sur la mort de Daniel Naroditsky : «J’espère que cela sera fait et que la vérité sur les circonstances et les causes de cette tragédie sera révélée, malgré tous les efforts pour la dissimuler.»
De son côté, Julien Song a interpellé le maire d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) qui avait inauguré récemment la rue «Vladimir Kramnik» dans sa commune en présence du Russe : «Monsieur le Maire, au regard de ces éléments, je vous demande solennellement de retirer le nom de Vladimir Kramnik de l’espace public de votre ville, et de le remplacer par un nom que vous jugerez plus approprié.» Certains évoquent déjà la possibilité de la transformer en «rue Daniel Naroditsky».
Mise à jour à 18 h 34, avec l’ajout de l’action en justice en Suisse de Vladimir Kramnik.