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Eileen Gu, tête d’affiche très lisse de la glisse chinoise aux JO 2022

JO d'hiver de Pékin 2022dossier
Née et élevée en Californie, la skieuse de 18 ans représente la Chine aux Jeux olympiques d’hiver, où elle est attendue comme une pop star.
Eileen Gu, le 8 janvier à Mammoth Mountain (Californie). (Maddie Meyer/Getty Images)
publié le 3 février 2022 à 16h17

Dans les rues de Pékin, on ne peut pas la rater. Son visage est placardé sur les arrêts de bus ou les devantures de magasins. Preuve d’une notoriété nouvelle : à 18 ans, Eileen Gu est la star émergente du sport d’hiver chinois. L’adepte du ski freestyle concourt aux JO dans trois catégories (slopestyle, big air et halfpipe), avec à chaque fois le statut de favorite. Une aubaine pour une nation historiquement médiocre aux Jeux olympiques d’hiver : la Chine n’a jamais remporté plus de cinq médailles d’or dans cette compétition.

Eileen Gu n’était pourtant pas destinée à porter les couleurs sportives de l’empire du Milieu. Née en Californie, d’un père américain et d’une mère chinoise qui l’a inscrite au ski quand elle n’avait que 3 ans, la jeune femme n’a annoncé sa préférence pour la Chine qu’en 2019, à l’âge de 15 ans. «La possibilité d’aider à inspirer des millions de jeunes gens là où ma mère est née, pendant les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin, est une occasion unique de contribuer à la promotion du sport que j’aime», avait-elle alors expliqué. Sa décision lui avait valu des menaces de mort et des accusations de traîtrise sur les réseaux sociaux, certains internautes lui reprochant d’avoir choisi la Chine pour des raisons purement financières.

Depuis qu’elle a déclaré son amour pour la Chine, Eileen Gu a en effet signé des contrats de sponsoring mirobolants avec plusieurs grandes entreprises nationales, de China Mobile à la marque de vêtements Anta Sports en passant par le géant du commerce en ligne JD. com. A l’aise en anglais comme en mandarin, l’athlète s’est associée en parallèle à des multinationales occidentales charmées par son succès sur les skis et sur les réseaux sociaux (elle a plus de 215 000 abonnés sur Instagram), comme Red Bull ou Cadillac. De quoi amasser une fortune considérable, qui pourrait encore croître après les Jeux olympiques : selon des chiffres cités par l’agence Bloomberg, une médaille d’or à Pékin pourrait lui rapporter plus de 10 millions de dollars (8,8 millions d’euros) supplémentaires en contrats de sponsoring.

«Princesse des neiges»

Après que le gouvernement américain a annoncé son refus d’envoyer des représentants aux Jeux olympiques en raison de la politique chinoise d’internement massif de la minorité musulmane ouïghoure, Eileen Gu a été sommée de s’exprimer sur les violations des droits humains dont est accusé le gouvernement de Xi Jinping. Mais la skieuse, prudente et craignant peut-être de voir déguerpir ses généreux sponsors, refuse de parler politique. Ces derniers mois, elle n’a pas accordé d’interview à la presse généraliste américaine, réservant sa présence aux magazines de beauté dont elle fait la une depuis qu’elle a entamé une carrière dans le mannequinat qui l’a portée au rang d’égérie Louis Vuitton. «Je suis une athlète, donc je fais juste ce que j’aime et j’essaie de raconter ma propre histoire», répète-t-elle pour échapper aux questions dérangeantes.

A Pékin, pour ses premiers Jeux olympiques, «la princesse des neiges», comme la surnomment ses supporteurs, devra satisfaire les immenses espérances placées en elle par le peuple chinois. Championne du monde de slopestyle et de halfpipe et médaillée de bronze en big air en mars 2021, vainqueure de cinq des six dernières épreuves de Coupe du monde qu’elle a disputées, la jeune femme a déjà un palmarès long comme le bras. Si elle triomphe de nouveau, ce sera aussi une victoire pour l’exécutif chinois, qui a investi des sommes considérables pour bâtir une délégation capable de briller aux Jeux olympiques. Eileen Gu, quant à elle, retournera aux Etats-Unis une fois la compétition terminée. Elle pourra commencer ses études à l’université de Stanford, où elle envisage de suivre des cours de diplomatie ou de relations internationales.