Les «Enhanced Games» tiennent leur star. Les organisateurs de ces Jeux «améliorés» où le dopage sera autorisé et encadré, assure-t-on, annoncent la participation prochaine de Fred Kerley. L’Américain, 30 ans, n’est ni plus ni moins que le médaillé de bronze sur 100 m aux JO de Paris l’été dernier, et médaillé d’argent à Tokyo en 2021.
Le timing de l’annonce, au beau milieu des mondiaux d’athlétisme à Tokyo, est tout sauf anodin. Le dernier acte de défiance en date envers World Athletics, la Fédération internationale d’athlétisme et son président Sebastien Coe, grand pourfendeur du projet. Début 2024, ce dernier avait vertement critiqué l’événement alors en gestation – une «connerie» –, menaçant les athlètes «assez stupides» pour y prendre part d’être «bannis». «Nous sommes en plein dans les championnats. Je n’ai rien à dire de plus. Nous verrons cela lorsque ce sera fini», a simplement réagi Sebastian Coe, devant quelques journalistes, ce jeudi à Tokyo.
«J’avais l’impression d’être en prison avant»
Sans trop s’avancer, pas sûr que l’on reverra Fred Kerley un jour sur une compétition internationale labellisée World Athletics. Absent du voyage à Tokyo cette semaine, il est déjà suspendu provisoirement depuis début août pour défauts de localisation antidopage.
A croire que cette suspension l’a fait basculer de l’autre côté de la barrière. L’Américain a justifié sa décision, pointant les contraintes qui pèsent sur le quotidien d’un athlète pro. «J’avais l’impression d’être en prison avant, limité même dans les médicaments en vente libre que je pouvais prendre. Maintenant, j’ai l’esprit tranquille», a-t-il déclaré dans un communiqué.
Il a aussi fait part de ce qui l’anime : les 9,58 secondes au 100m d’Usain Bolt, le record du monde le plus prestigieux, en vigueur depuis 2009. «Ça a toujours été l’objectif ultime de ma carrière. Cela me donne l’opportunité de consacrer toute mon énergie à repousser mes limites pour devenir l’humain le plus rapide de l’histoire», a dit Kerley, record personnel à 9’76 et champion du monde 2022. Avec, en cas de chrono meilleur que celui du Jamaïcain, un joli pactole d’un million de dollars en bout de piste. L’autre source de motivation du Texan : «Ce qui avait de la valeur il y a 20 ans n’en a plus aujourd’hui. A moins qu’ils ne commencent à rémunérer correctement les athlètes, les gens feront passer leurs intérêts personnels avant tout, explique-t-il. Le sport ne peut pas survivre avec des modèles de rémunération obsolètes.»
Un record du monde déjà «battu»
Fred Kerley est le premier représentant de l’athlétisme à s’engager dans le projet. Il rejoint une poignée de recrues de choix. Des nageurs, surtout : l’Australien James Magnussen, double champion du monde du 100 m nage libre en 2011 et 2013 et triple médaillé olympique ; le vice-champion olympique du 50 m nage libre à Paris Ben Proud ou encore le Grec Kristian Gkolomeev.
Ce dernier aurait déjà nagé plus vite que le record du monde du 50 m nage libre, d’après les organisateurs. Lors de la conférence de presse de lancement en mai dernier, l’organisation avait assuré, vidéo à l’appui, que Gkolomeev avait nagé le 50 m nage libre en 20 secondes 89, soit deux centièmes de moins que le record du monde du Brésilien Cesar Cielo réalisé en 2009 (20 secondes 91 en 2009).
La venue de Kerley vient remettre un sacré coup de projecteur sur ce projet polémique, lancé en 2023 par l’entrepreneur australien Aron D’Souza, et en partie financé par Donald Trump Jr, le fils du président américain. D’abord annoncé du 23 au 25 mai 2026, il devrait se tenir du 21 au 24 mai au Resorts World à Las Vegas, et doit proposer des compétitions de natation (50 et 100 m nage libre, 50 et 100 m papillon), d’athlétisme (100 m, 100 et 110 m haies) et d’haltérophilie.
Les organisateurs vendent leur soupe en mettant en avant l’aspect surveillé du dopage. Les «substances qui améliorent la performance» ne seront pas interdites mais «sorties de l’ombre en toute transparence, sécurité et sous surveillance médicale», certifient les organisateurs. L’événement suscite malgré tout la controverse dans les milieux sportifs et scientifiques. Outre les critiques formulées par Sebastian Coe, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a jugé le projet «dangereux et irresponsable».