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Euro féminin de football: Corinne Diacre, une discipline de fer et un tempérament de Jupiter

Euro féminin de football 2022dossier
Le management autoritaire de l’entraîneure de l’équipe de France lui vaut la confiance et le respect autant que des tensions avec ses joueuses. Alors que les Bleues affrontent l’Italie ce dimanche pour lancer leur tournoi, «Coco» vise au minimum la finale.
Corinne Diacre à Rotherham, en Angleterre, le 9 juillet. (Franck Fife/AFP)
publié le 10 juillet 2022 à 12h08

Depuis que les Bleues se sont installées dans l’élite du football mondial, il y a une douzaine d’années, on en revient toujours à la même litanie. Entre «défaites encourageantes» et «éliminations honorables», l’équipe de France féminine cherche un titre qui lui échappe à chaque fois. Depuis 2009, elles sortent la plupart du temps en quart de finale ou atteignent le dernier carré lors des jours de fête (Coupe du monde 2011, JO 2012). La discipline constitue une sorte de paradoxe ambulant dans l’Hexagone. Les filles de l’Olympique lyonnais ont remporté six des sept dernières Ligues des champions tandis que le PSG en a atteint deux fois la finale. Le championnat de France, dévolu par avance aux deux clubs phares, se déroule dans des stades vides, souvent vétustes, quand les audiences télé de la sélection nationale cartonnent.

Pire, l’an dernier aux JO de Tokyo, les joueuses de Corinne Diacre, absentes à une compétition majeure pour la première fois depuis treize ans, suite à leur élimination en… quart de finale de leur Mondial en 2019, ont vu les handballeuses (championnes olympiques) et les basketteuses (médaillées de bronze) briller à leur place. Comme Didier Deschamps chez les hommes après l’échec de l’Euro 2021 ou Sylvain Ripoll avec les Espoirs (élimination précoce aux mêmes Jeux olympiques), l’entraîneure des Bleues est restée en place. Le président de la Fédération, Noël Le Graët, demeure fidèle à ses grognards. Beaucoup s’interrogent, y compris en interne. Corinne Diacre est-elle la personne idéale pour mener la sélection à un premier titre international qui changerait tout ?

Didier Deschamps à la rescousse

Le management jupitérien de la Nordiste (47 ans), en place depuis 2017, divise. A l’instar de Raymond Domenech en son temps, elle ne concède rien à la séduction. Sa façon de diriger crée tensions et remous au sein des staffs qu’elle cornaque. Certains adjoints, notamment à Clermont Foot, l’équipe de garçons qu’elle a entraînée entre 2013 et 2017, n’y ont pas survécu. «Surtout n’attendez pas d’elle qu’elle change, ça n’arrivera jamais» twittait Thomas Guerbert, un de ses anciens joueurs auvergnats, après l’un de ses nombreux démêlés avec l’ossature lyonnaise de l’équipe de France. Amandine Henry, Wendie Renard, Eugénie Le Sommer ou encore Sara Bouhaddi, les cadres de la formation rhodanienne, habituées à une sorte d’autogestion bienveillante, se sont souvent heurtées à l’intransigeance de la coach tricolore. «Certaines joueuses ont été mises au placard plus ou moins longtemps pour ne pas être rentrées dans le moule. Même si elle est un peu psychorigide, on peut lui reconnaître qu’elle traite toutes les filles de la même manière, quel que soit leur niveau ou le statut», rapporte en off une joueuse qui a évolué sous ses ordres à Soyaux (Charente) au début des années 2010.

Ancienne capitaine de la sélection (121 capes), Diacre a été la première femme à obtenir son diplôme de coach dans le pays et à diriger une équipe professionnelle masculine, ce qui lui confère une crédibilité à toute épreuve. «Elle a besoin de savoir à qui elle a affaire. “Coco” a des principes auxquels elle ne dérogera jamais. Si tu ne t’y plies pas, tant pis pour toi. L’heure, c’est l’heure. La casquette, quand tu entres dans un lieu fermé, tu l’enlèves. Ta bouteille, c’est ta bouteille et tu la gardes», racontait en 2019 à So Foot Jennifer Maier, ex-coéquipière à Soyaux. Face aux attaques des Lyonnaises ou de la presse, Didier Deschamps et Laurent Nicollin (président de Montpellier) sont venus à sa rescousse. Quand il a fait monter Clermont en Ligue 1 l’an dernier, Pascal Gastien a rappelé ce qu’il devait à sa devancière. «Quand j’ai été prêté à Clermont [en 2016, ndlr], j’étais dans une période de doute et elle a relancé ma carrière. Elle n’est pas dans la connivence mais dans l’exigence. Elle fait progresser ses joueurs et c’est bien l’essentiel», poursuit Gaëtan Laborde, attaquant du Stade rennais.

«Les causeries, ce n’est pas ce que je préfère»

Souvent considérée comme frileuse dans l’animation offensive de ses équipes, Corinne Diacre voue une dévotion sans faille à la discipline tactique et à la solidité de son bloc défensif. A l’Euro anglais qui arrive, elle devra composer avec deux parties de son métier qu’elle exècre, les causeries et les conférences de presse. «J’ai beaucoup travaillé avec mon professeur de communication sur les causeries mais j’avoue que ce n’est pas ce que je préfère», euphémise-t-elle.

Après le Mondial 2019, Amandine Henry, l’une des meilleures joueuses des Bleues, s’était laissée aller à quelques critiques sur les méthodes granitiques de la sélectionneuse, sur son absence de tact. Diacre n’a pas pardonné. En octobre 2020, cette dernière appelle la Lyonnaise pour lui signifier son absence au prochain rassemblement pour des raisons sportives. «L’appel a duré quatorze, quinze secondes, je m’en souviendrai toute ma vie. Sur le coup, j’étais choquée», témoignait-elle au Canal Football Club peu après. De l’autre côté de la Manche, la cheffe des Bleues a emmené un noyau de jeunes joueuses et de quelques anciennes ultra-expérimentées. «C’est une bonne chose, souligne Marie-Christine Terroni, la présidente du Paris FC. Le vivier français est énorme.» Diacre, de son côté, a annoncé la couleur : «On a une ambition affichée, aller en finale.» Tout autre résultat pourrait signifier la fin de son bail.