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Libération
Reportage

Népal : les «décès suspects» des ouvriers partis au Qatar

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Coupe du monde 2022 au Qatardossier
Quelque 400 000 Népalais sont employés sur les chantiers qataris, dont ceux du Mondial, dans des conditions de pénibilité extrême. En dix ans, les morts ont dépassé le millier mais l’émirat argue des causes «naturelles», contestées par les médecins. Dans le sud du Népal, les familles endeuillées restent dans l’incompréhension.
Bulai (à droite), originaire du sud du Népal, a perdu son fils, travaillant comme maçon au Qatar. Malgré cela, il enverra son deuxième fils lorsqu'il aura 18 ans. Le 15 octobre à Chilaya, un hameau du sud du Népal. (Sophie Rodriguez/Libération)
par Sébastien Farcis et avec Prabhat Jha
publié le 8 novembre 2022 à 16h19

«Mon fils est allé travailler au Qatar pour aider à nourrir notre famille. Il devait enfin revenir, mais quatre jours avant son vol de retour, il est mort soudainement.» Bulai Sahani est assis sur une petite chaise, dans la cour de sa maison de Chilaya, un hameau du sud du Népal. Cet homme frêle de 52 ans a les traits tirés, les yeux rouges et humides. Il a encore du mal à absorber le choc de la mort de son fils. C’était le 7 février, Ram Kishun Sahani travaillait alors comme ouvrier sur un chantier de construction de Doha. «Il est sorti le matin, mais il se sentait mal. Il s’est recouché et ne s’est jamais réveillé. Il est mort dans son sommeil, raconte son père. Mon fils était jeune et assez en forme pour travailler sur un chantier de construction. Comment a-t-il pu mourir ainsi ? Personne ne nous a expliqué.» Ram Kishun n’avait que 32 ans et les autorités du Qatar ont conclu à une mort «naturelle». Incompréhensible, mais en aucun cas unique.

A quelques kilomètres de ce village, dans les plaines fertiles mais sous-développées de cette province de Madhesh, Rampukar Sahani (sans lien de parenté avec la famille de Bulai) pleure aussi un proche : son père, Ganga, décédé en mai sur un chantier de Doha à 47 ans. Là encore, officiellement d’une crise cardiaque. Ce maçon travaillait pour la grande compagnie qatarie Hassanesco, impliquée dans la construction de bâtiments en marge du Mondial de football, et devait lever des blocs de briques et de bé