Si la littérature en sciences humaines est foisonnante pour l’autre grande gloire Maradona, la figure de Pelé, mort jeudi à 82 ans, a suscité beaucoup moins d’intérêt scientifique. Néanmoins, le fait qu’il s’inscrive en génie du football dans la mémoire des hommes, nous invite à saisir ce qu’il donne à comprendre de l’évolution du football et de la société brésilienne.
Le sociologue Nobert Elias s’est emparé de la question du génie, en s’intéressant au cas de Mozart dans Mozart, Sociologie d’un génie Paris (Seuil, 1991). Car en restituant la trajectoire de l’artiste, il avait mis en lumière les structures sociales et les réseaux d’interdépendance de la haute société autrichienne de la fin du XVIIIe siècle, il en va de même pour Pelé.
La «malandragem»
Né durant la première partie du XXe, dans un Brésil marqué par les inégalités raciales, vestige d’un passé esclavagiste encore récent (abolition a été signée en 1888), Pelé éclot après une restructuration profonde du football brésilien, fruit d’une lutte politique et sociale. Ce sport étant importé à la fin du XIX siècle dans les grandes métropoles brésiliennes par les communautés anglaises, il fut jusqu’aux années 20 le lieu d’un entre-soi des grandes élites blanches et urbaines. L’industrialisation plus tardive du Brésil, entraînant l’arrivée d’une main-d’œuvre noire et métisse et leur installation dans des cités ouvrières, accroît la diffusion et la pratique du football, alors perçu de manière positive par le patronat. Ces derniers n’hé