Buenos Aires 1978, Marseille 1998, São Paulo 2014… Les rencontres entre l’Argentine et les Pays-Bas sont des classiques parmi les classiques. Des rendez-vous qui mêlent romance et drama dont le spectateur se délecte et où l’histoire du ballon rond s’écrit. Nul doute que, quand on regardera dans le rétro d’ici quelques années, le quart de finale de Lusail ce vendredi 9 décembre 2022 se sera fait une place de choix dans le grand récit. Un long combat, plus haché qu’esthétique, soldé par une séance de tirs au but qui aura souri aux Argentins (2-2, 4 tab à 3).
Trois heures avant le grand dénouement, la rencontre commence pourtant par un long et pâle round d’observation. Deux blocs bien en place qui prennent peu de risques. Un début tendu où les fautes pleuvent et durant lequel l’arbitre Antonio Mateu Lahoz lâche (déjà) carton sur carton (quatre en 45 minutes, dont deux pour chaque banc). Et pas grand-chose à se mettre sous la dent.
L’ennui, le génie
Et puis d’un coup, sorti de nulle part alors que les Néerlandais commençaient à s’endormir, un éclair de génie. Quand l’Argentine est en manque d’inspiration, elle connaît sa partition : donner la balle à Messi. La Pulga reçoit un ballon aux 40 mètres, avance en faisant danser Nathan Aké et lâche une passe à ras de terre, à l’aveugle, entre les jambes de ce dernier qui arrive droit dans les pieds de Nahuel Molina. Personne ne l’avait vu. Mais Messi sentait, on ne sait vraiment comment, que son coéquipier était là. Pas maladroit, Molina pousse la balle devant lui d’un contrôle, puis bat Noppert du bout du pied. Un vrai pion d’attaquant pour l’arrière droit de l’Atletico qui n’avait jusque-la jamais marqué avec les Ciel et Blanc. 1-0 à la 35e.
Trop sereins, ou trop mauvais, les Bataves, bien que menés, continuent sur leur rythme de vieillard : statiques et amorphes, sans jouer vraiment plus haut et sans se créer la moindre occasion. Au petit bonheur des Argentins qui voient le chrono défiler sans être inquiétés. Une seule frappe après 70 minutes pour les Néerlandais, zéro cadrée. Difficile à ce rythme-là de marquer. Memphis engueule un Gakpo qui traîne pour se replacer après une perte de balle. Van Dijk râle après avoir envoyé, tout seul, une transversale à 10 mètres du moindre coéquipier.
Bref rien ne va. Les Argentins semblent, eux, avoir plus d’envie et de hargne. Et ce qui devait arriver arriva : à la 73e, Dumfries fauche Acuna sur un ballon pourtant peu dangereux sur la ligne d’entrée dans la surface de réparation. Lahoz siffle penalty. Messi a une balle de demi-finale dans les pieds et ne tremble pas, inscrivant son quatrième but depuis le début du Mondial. 2-0.
La magie de van Gaal
L’affaire semble pliée, les Néerlandais sont assommés. De nulle part, les Pays-Bas se relancent pourtant. Steven Berghuis centre pour Wout Weghorst, tous deux entrés en seconde période. Le second croise bien sa tête (2-1) et son équipe se remet à y croire. Les Argentins la jouent en vermines, se roulent par terre au moindre contact et ne manquent pas de découper un Oranje quand ils en ont l’occasion. Mateu Lahoz perd le cours du match et distribue plus de biscottes qu’on en trouverait au buffet d’un continental (16 pour toute la rencontre).
Au milieu de cette partie de catch, l’Argentine commet la faute de trop, à l’entrée de la surface, au bout du bout du temps additionnel. Plutôt que de frapper le coup franc directement, Koopmeiners feinte une merveille de ballon à ras de terre vers Weghorst qui remet ça, finissant du bout du pied. Le genre de coup de génie tout droit sorti du chapeau du magicien en chef, Louis van Gaal. 2-2, gros coup de clim sur Lusail et trente minutes de rab. Pour se réchauffer, Argentins et Néerlandais en viennent (encore) aux mains.
La loterie pour les Ciel et Blanc
Des vingt-cinq premières minutes de prolongations, on ne retiendra rien, en dehors de deux jaunes supplémentaires. Avant que par six fois en cinq minutes les Argentins ne soient à deux doigts d’en mettre un troisième, butant à chaque fois sur une tête, une jambe ou une main de Noppert. Et même un poteau pour Enzo Fernandez à la 120e. Rien n’y fait, le match se jouera aux penalties.
Tant pis pour le quotidien sportif argentin Ole qui affichait sur sa Une vendredi matin : «Scaloni, nous sommes ensemble : on ne veut pas penser aux penalties» - le coach argentin ayant fait part la veille de sa peur de la «loterie» que sont les tirs au but -, le sort penche pourtant en la faveur des Ciel et Blanc. Deux parades d’Emiliano Martinez et l’Argentine file rejoindre la Croatie qui avait connu même dénouement face au Brésil quatre heures plus tôt. Le rêve de Messi peut continuer.