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Libération
En rouge et vert

Coupe du monde : après la qualification historique du Maroc, à Roubaix, la liesse de «toute l’Afrique»

Coupe du monde 2022 au Qatardossier
La victoire des Lions de l’Atlas contre le Portugal a fédéré les supporteurs de tout le continent dans les rues de Roubaix.
Des supporteurs marocains célèbrent la victoire de leur équipe dans les rues de Roubaix, samedi. (Hugo Clarence Janody/Hans Lucas pour Libération)
publié le 10 décembre 2022 à 20h57

Une fois de plus, Roubaix chavire dans un tourbillon d’allégresse. «Cette victoire représente toute l’Afrique et tout le peuple arabe.» Rue de l’Epeule, Omaima, 21 ans, supportrice du Maroc, partage sa joie les yeux brillants. Depuis un trottoir, elle observe la petite foule en liesse avec Yasmin, 15 ans. Elles disent : «On vient juste passer un bon moment, sans débordements.» D’autres le chuchotent comme un vœu. «On ne veut pas déranger», souffle Wassim, 13 ans, dans un sourire délicat.

Il a suivi le quart de finale historique qui a vu le Maroc battre le Portugal 1-0 et devenir le premier pays africain qualifié pour une demi-finale de Coupe du monde, au Coffee House, le snack tenu par son père, Hassane, bondé de supporteurs. Les murs y ont tremblé à la 42e minute quand En-Nesyri a marqué l’unique but du match.

Ballon d’or 65

A dix minutes de là, les supporteurs portugais réunis à la Casa Benfica, un bar situé dans un quartier d’entreprises à la frontière de Roubaix et Tourcoing, ont commencé à assister impuissants à une rencontre en train de leur échapper. Le match est branché sur une chaîne lusophone, accompagné de commentaires hurlés par la salle tantôt en français, tantôt en portugais. La main superstitieuse de cet homme glissant sur le portrait d’Eusebio, international portugais, ballon d’or 1965, n’aura pas suffi à changer le destin de ses compatriotes. Un peu après 18 heures, le match est scellé.

Une poignée de minutes plus tard, le quartier de l’Epeule devient l’épicentre de la fête pour la diaspora marocaine de Roubaix, venue célébrer cette victoire. «C’est bon pour le niveau du foot africain», se réjouit Brahim, Algérien de 62 ans. Plusieurs admirateurs des Fennecs s’agglutinent sur les trottoirs pour profiter du spectacle heureux qui se joue devant eux. Se repassant au passage quelques-uns de leurs souvenirs du sacre de l’Algérie en Coupe d’Afrique des nations, célébrée au même endroit trois ans plus tôt. Des Marocains étaient là. «On parle de peuple. Le Maroc est notre frère. La politique, c’est autre chose», commente Ibrahim, 47 ans, salué par les acquiescements de ses amis Akim et Abdelhak, la trentaine.

Derbouka magique

De temps en temps, le ciel noir s’illumine aux couleurs de l’équipe nationale marocaine. Feux d’artifice qui pètent, fumigènes qui craquent et drapeaux qui flottent. Dans la rue, on se pare de rouge et de vert. On danse sur du raï. Et on partage sur les réseaux sociaux l’euphorie de cette Coupe du monde magique, capable de transformer n’importe quel tabouret en plastique en entraînante derbouka.

«On aimerait tomber contre la France [en demi-finale], se projette Ali, un Roubaisien de 27 ans d’origine marocaine. Et en même temps, ça va être une déchirure parce que c’est aussi notre pays. On a grandi ici, on a ri ici, on a pleuré ici !» Il faudra attendre quelques heures pour le savoir. Pour le moment, les voitures déboulent de la droite, de la gauche ; se placent les unes derrière les autres dans un concert de klaxons. Dans ce cortège plus long que n’importe quel mariage du coin, on célèbre l’amour d’un pays, d’une nation, d’un continent.

Mamadou, 23 ans, supporteur attristé du Sénégal, battu au tour précédent par l’Angleterre, se console ainsi : «Je serai 100 % avec le Maroc si l’équipe tombe contre l’Angleterre. Je compte sur eux pour nous venger !» Et si le prochain tour oppose le Maroc à la France ? Choisira-t-il un camp ? «Si c’est contre la France, je préfère que ça se termine aux tirs au but. Comme ça, pour les deux pays, ce sera eux et leur chance.»