Les vingt années à venir diront le poids de cette Coupe du monde des clubs new-look, trente-deux équipes sur la ligne de départ comme un caillou – enfin non, un massif montagneux de la taille du Puy de Sancy – placé par le président de la Fédération internationale, Gianni Infantino, dans la chaussure de l’Union européenne de football et de sa rutilante Ligue des champions. Dans le doute, autant faire la trace pour y gagner une forme de postérité originelle (premier champion d’Europe, le Real Madrid vit encore en partie dessus) et c’est le Chelsea FC, qui a posé son nom dans le marbre. Au terme d’une finale survolée (3-0, sans forcer en seconde mi-temps) contre des Parisiens déphasés, dépassés dans l’intensité. Et qui ont peut-être payé une saison interminable à 65 matchs, comme leurs adversaires du jour cela dit, et une forme de saturation mentale qui s’est réveillée par vents contraires.
On peut penser ce qu’on veut du foot anglais, de sa surexposition médiatique, de l’argent jeté par les fenêtres pour bâtir des effectifs de cinquante joueurs (or, on y joue à onze, comme partout) et de la minceur des palmarès internationaux des clubs comme de la sélection, il y a quelque chose que l’on ne leur enlèvera jamais : la mentalité. Ce mélange de vaillance et d’aplomb qui aura traversé les âges. Y compris les époques récentes et l’internationalisation des effectifs. Donnés à cent contre un face à un Paris-SG champion d’Europe, et qui a écrasé à peu près tout ce qui s’est présenté à lui lors de cette Coupe du monde des clubs (trois 4-0, dont deux face aux deux clubs de Madrid), les Londoniens ont commencé par rentrer gaillardement, joyeusement pourrait-on dire, dans le lard des Parisiens. Sous l’impulsion de deux milieux défensifs aussi électriques et méchants qu’on puisse être dans les limites du règlement, l’Equatorien Moises Caicedo et le champion du monde argentin, Enzo Fernandez.
0-3 à la mi-temps, aucune chance qu’ils l’aient vu venir
A peine Vitinha et consorts avaient-ils remis la main sur le ballon que le sol s’était ouvert sous leur pied. Trois contre-attaques où le différentiel de vitesse et d’engagement entre les deux équipes aura sauté aux yeux et les Blues s’étaient offert un matelas royal : deux plats du pied gauche de Cole Palmer (22e, 30e) à la limite de la surface de réparation plein axe, une passe décisive du même sur son coéquipier Joao Pedro qui piquait son ballon devant Gianluigi Donnarumma (43e) et les Champions de France ralliaient les vestiaires la tête basse, sans bien comprendre ce qui venait de leur dégringoler sur le casque. 0-3 à la mi-temps, aucune chance qu’ils l’aient vu venir.
Que Beraldo et ses coéquipiers, plutôt fins et techniques, subissent dans le combat était dans l’ordre des choses. En revanche, l’absence de mobilité et de peps des joueurs a surpris, étant entendu que jouer à quinze heures par 28 dégrés à l’ombre (66 % d’humidité) n’est simple pour personne. Trente minutes de pause : pas bien sérieux mais bon, on aura compris que cette Coupe du monde des clubs faisait sa vie dans un monde parallèle, ni tout à fait du foot (l’arbitrage souvent ridicule, l’Inter Miami invité au mépris de la justice sportive), pas non plus autre chose.
S’il y a une chose sur laquelle il est difficile, pour ne pas dire impossible, de remettre la main au fil d’une rencontre de foot, c’est bien l’énergie. Il aurait fallu un fait de match, un sentiment d’injustice, un peu de réussite pour rallumer l’équipe. L’arbitre australien, Alireza Faghani, miséricordieux, aura apporté son écot en oubliant un penalty clair aux Anglais après que Beraldo a chopé Joao Pedro, dans l’effectif de Chelsea depuis cinq semaines, par le maillot à l’entrée de la surface, mais ce fut trop peu pour inverser le rapport de force.
Au vrai, les Londoniens ont déroulé. En ressuscitant un autre tropisme britannique, survivance des temps héroïques : le chambrage, l’insulte lâchée en prenant position sur un corner, les deux Anglais qui viennent secouer un joueur parisien au moindre regard de travers. Frustrés, peu habitués également à en prendre une belle, les Parisiens ont aussi perdu de mauvaise grâce, João Neves se faisant expulser pour avoir pris à pleine main et tirer la tignasse de Marc Cucurella. Un épilogue un peu iconoclaste. Pour une compétition qui ne l’était pas moins.