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Coupe du monde

Défaite de la France en finale : sur les Champs-Elysées, «je pleure à l’intérieur de moi…»

Coupe du monde 2022 au Qatardossier
Des milliers de personnes s’étaient rassemblées dans les bars proches de la grande avenue parisienne pour fêter, en cas de victoire, un troisième titre mondial pour les Bleus.
Les supporteurs français réunis sur les Champs-Elysées pour la finale de la Coupe du monde contre l'Argentine, ce dimanche. (Charly Triballeau /AFP)
publié le 18 décembre 2022 à 20h44

Il y avait des joues maquillées de bleu, blanc, rouge, des écharpes tricolores, des fanions et des klaxons… Mais ce sont des mines congelées et dépitées qui ont déserté soudainement les bars bondés, quelques minutes plus tôt, dans les ruelles adjacentes aux Champs-Elysées où des supporteurs des Bleus étaient venus par milliers en ce dimanche de finale de Coupe du monde contre l’Argentine. Une jeune fille cache son visage dans un drapeau, tandis qu’un garçon bazarde le sien dans une poubelle. Pour parfaire le triste tableau, une pluie froide se met à tomber.

Après une finale furieuse et intense, où chacun a cru voir cette troisième étoile revenir à l’équipe de France, une déception aiguë se déverse sur l’avenue la plus célèbre du pays. «Je pleure à l’intérieur de moi…» lâche Youssef, 31 ans, abattu, un drapeau tricolore planté dans sa capuche écarlate à fourrure. «Une victoire, ça nous aurait régalés», poursuit ce serveur d’un palace attenant, pas vraiment aficionado de foot mais toujours au rendez-vous des grands matchs, «histoire de vibrer en même temps que les autres».

Fan zone à base de smartphones

«C’est le football, c’est comme ça, on ne peut pas gagner tout le temps», se console Yassine, 22 ans, venu exprès avec sa bande de copains sur les Champs dans l’espoir d’un triomphe, après avoir pleuré samedi la défaite de son autre équipe de cœur, le Maroc. «Le match était bon, j’aime bien les matchs comme ça. Y a eu des buts en face, puis la France s’est réveillée», analyse cet électricien qui n’a cessé de gigoter de stress pendant cent vingt minutes. Mais ce passionné du ballon rond relativise : «L’Argentine, c’est une équipe que je kiffe aussi. Messi, il la mérite sa Coupe du monde !»

Après une longue errance, son petit groupe, pourtant arrivé en avance, avait fini par trouver un bout d’écran dans un boui-boui libanais de la rue Washington. Car les places étaient chères ce dimanche. «Tout est blindé, ils auraient dû mettre un écran géant», regrette un jeune homme emmitouflé de la tête aux pieds, comme pour une expédition arctique. Les pubs pleins à craquer débordent jusque dans le froid glacial de la rue. Ici, c’est «100 euros, la table et la chicha». Là-bas, «20 euros l’entrée» pour suivre le match, bien au chaud, sur écran géant. Alors on improvise des tables sur les toits des voitures, où trônent kebabs et pintes de bière. Et surtout, une mini fan zone, dehors, à base de smartphones. Les doigts sont gelés, mais l’enthousiasme et l’espoir intacts. Avec une crainte majeure : celle du décalage de retransmission. «Vous êtes à combien de minutes sur le bigo ? 38 ?» s’enquiert un gamin caché derrière son bonnet. «Ouais pareil !», le rassure un autre.

«Adieu le boycott !»

Croisée dans une ruelle, Marie-Eva, 19 ans, était venue de Bretagne pour assister à la finale. Cette joueuse de foot depuis l’enfance salue un «match plein de surprises» et une «belle ambiance» malgré cette défaite sur le fil. «Franchement, même si on a perdu, le match de Mbappé a été incroyable. J’y ai tellement cru… Il méritait, c’est pas juste !» n’en revient pas Marie-Laure, 22 ans, d’origine camerounaise comme l’attaquant star, auteur du triplé de la soirée. «C’est mon joueur, il a sauvé le match !» s’emballe cette serveuse du quartier.

Sur l’avenue, les grands magasins ont baissé leurs grilles et, pour la plupart, barricadé leurs vitrines de grandes palissades de métal ou de bois. Dans les rues voisines sont engouffrés depuis le début d’après-midi des dizaines de cars de CRS : 2 750 policiers ont été mobilisés dans la capitale, selon la préfecture de police de Paris. Bien avant le coup d’envoi, on avait entendu une jeune femme, rieuse, écrabouillée contre une vitre du métro, dire à son amie en route pour les Champs-Elysées : «Adieu le boycott !» Prête à abandonner ses principes pour l’amour du jeu, elle avait néanmoins tout envisagé : «Si on perd, on dira qu’on n’y était pas !»