Menu
Libération
Libertés publiques

Déplacement des supporteurs de Séville à Lens : le Conseil d’Etat annule l’interdiction voulue par Darmanin

Après le tollé suscité en France comme en Espagne par la décision, la juridiction est allée à l’encontre de la volonté du ministre de l’Intérieur d’empêcher les fans andalous de se déplacer dans le Nord, pour le match de leur équipe en Ligue des champions ce mardi soir.
Les supporters du FC Séville dans les tribunes de la Puskas Arena de Budapest, en Hongrie, le 31 mai 2023. (Attila Kisbenedek/AFP)
publié le 12 décembre 2023 à 16h15

C’est un nouveau revers pour le ministère de l’Intérieur, cette fois du côté des libertés publiques des supporteurs de foot. Le Conseil d’Etat a annulé ce mardi 12 décembre l’arrêté interdisant le déplacement des fans du Séville FC pour le match à Lens dans la soirée en Ligue des champions, pris par la préfecture du Pas-de-Calais lundi. Pour Gérald Darmanin, c’est un troisième fiasco en deux jours, après le rejet du projet de loi immigration et l’annulation de l’expulsion d’un ressortissant ouzbek.

La décision du ministre de l’Intérieur, annoncée dimanche soir dans le média Brut, avait courroucé des deux côtés des Pyrénées. L’ambassade d’Espagne à Paris avait partagé lundi sa «préoccupation aux autorités françaises parce que les intérêts des citoyens espagnols pourraient être lésés». Le Séville FC avait, lui, annoncé «présenter un recours urgent, avec l’Association nationale des supporters française» contre cette mesure, affirmant que le club mettrait «en action toutes ses capacités juridiques et diplomatiques» pour casser cette décision. Des recours similaires avaient été déposés par Football Supporters Europe (FSE), FASFE (l’ANS espagnole) et Accionistas SFC, une association de supporters sévillans, a précisé l’ANS.

Le président du club sévillan, José Castro, a qualifié cette interdiction de «véritable atrocité qui limite les droits des Européens». «Dans une compétition comme celle-ci, ça devrait se jouer sur la pelouse», a fulminé de son côté l’entraîneur du club andalou, Diego Alonso, lundi soir.

«Mais comment on va faire pour les Jeux olympiques ?»

Son homologue lensois était dans le même état d’esprit. «Ils sont 300 ou 400, et qu’au dernier moment, on leur dise non parce qu’il y a certains problèmes - tous les pays en ont - et qu’on leur dise de rester chez eux, à même pas dix mois des Jeux olympiques… Mais comment on va faire pour les Jeux olympiques, si on ne peut pas accueillir 300 Sévillans sur notre sol ?» a regretté Franck Haise, le coach du RC Lens.

Le maire de la ville du Pas-de-Calais, Sylvain Robert, a également fustigé ce mardi cet arrêté. «On n’a pas joué la Champions League depuis vingt ans, c’était l’occasion aussi de finir les phases de groupes avec une fête, avec un public complémentaire au public lensois», a-t-il rappelé sur France Bleu Nord avant de déclarer «comprendre la réaction des Sévillans» et de «soutenir leur démarche». La sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly a de son côté demandé à Gérald Darmanin de «revenir sur [sa] décision».

Dans un mail révélé par la journaliste Anna Carreau, le club andalou affirmait que la police de Lens lui avait assuré qu’elle n’avait «pas l’intention de réaliser la moindre ‘’persécution’’ vis-à-vis de ses fans, ni d’imposer les sanctions publiées dans les arrêtés gouvernementaux». La sous-préfecture de Lens avait d’ailleurs considéré «sans objet» toute mesure de police dans le cadre du match Lens-Séville, en dehors des dispositifs habituels, d’après un document révélé par Ouest France.

Les ultras lensois des Red Tigers avaient promis, dans la foulée de l’annonce de Darmanin, une aide aux fans de Séville, allant aller jusqu’à leur proposer de céder leurs places en tribunes. «Vous méprisez le football et ses supporteurs sur des bases classistes et populistes, ont-ils fustigé dans un communiqué adressé à Darmanin, et cet arrêté d’interdiction de déplacement pris à l’encontre des supporteurs sévillans sert uniquement à masquer votre incapacité à organiser et encadrer des événements sportifs», le groupe rappelant le fiasco au Stade de France lors de la finale de Ligue des champions en 2022.

L’arrêté confirmait des annonces faites dimanche par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, les services de l’Etat interdisant «à toute personne se prévalant de qualité de supporters du FC Séville […] d’accéder au stade Bollart-Delelis de Lens et à ses abords», dans une zone comprenant Lens et Arras. Avec des justifications pour le moins hasardeuses, invoquant notamment le fait que «le résultat éliminera nécessairement l’un des deux clubs de toute participation en coupe d’Europe». Un argument ubuesque appliqué à une rencontre sans danger apparent qui pourrait entraîner l’interdiction de tous les déplacements dans des coupes nationales. Mais malgré Gérald Darmanin, la fête pourra bien avoir lieu dans les tribunes du stade Bollaert.