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Analyse

Derrière le rachat du Paris FC, la galaxie Red Bull ou le football en multipropriétés

Le groupe autrichien, qui devrait participer au rachat du club parisien aujourd’hui en Ligue 2, a constitué un réseau sur plusieurs continents. Posant la question de l’équilibre entre performance et maintien d’une identité propre.
Benjamin Sesko et Xavi Simons, du RB Leipzig, lors d'un match contre la Juventus FC le 2 octobre. (Ronny Hartmann/AFP)
publié le 10 octobre 2024 à 14h23

Jour faste pour la branche sport du groupe Red Bull mercredi 9 octobre. Outre sa participation, révélée par l’Equipe, dans le rachat du Paris FC à hauteur de 15% en compagnie de la famille Arnault, l’entreprise autrichienne a annoncé l’arrivée à compter du 1er janvier 2025 au poste de «directeur des activités football» de l’ex-entraîneur de Liverpool Jürgen Klopp, censément lancé dans un congé sabbatique après avoir énormément donné aux Red neuf saisons durant. Il supervisera le réseau des clubs appartenant à la marque, soit le RB Leipzig, le Red Bull Salzbourg, les New York Red Bulls (anciennement Metrostars), le RB Bragantino au Brésil et, donc, le Paris FC.

L’aura populaire, voire libertaire, du Souabe en souffrira assurément. En s’associant à Red Bull, le Paris FC rentre de plain-pied dans une structure de multipropriétés. Où l’identité séculaire des clubs concernés s’efface (si tant est qu’elle ait existé, le RB Leipzig ayant surgi de nulle part en quelques saisons) derrière un maillage mondialisé permettant de faire circuler les joueurs – et plus généralement les compétences, les cadres techniques étant aussi concernés – d’un club à l’autre sans qu’ils changent véritablement d’employeur. Et les aménagements cosmétiques imposés par l’Union européenne de football quand deux clubs appartenant au même propriétaire disputent une même compétition (c’est censément interdit) n’y changent rien.

Une forme de modernité

La stratégie du groupe autrichien s’articule autour de deux idées claires. D’une part, les clubs Red Bull évoluent à des niveaux différents, le RB Leipzig figurant jusqu’ici le barreau le plus haut de l’échelle. Il y a quelque chose d’une formation continue, où des équipes distinctes accompagneraient la carrière du même joueur au fil de sa progression, ce qui pose la question de la place du Paris FC dans la hiérarchie. D’autre part, Red Bull s’intéresse à des joueurs jeunes, à fort potentiel, l’objectif étant de créer des plus-values et de réaliser une bascule financière quand l’élément concerné sort du groupe pour signer dans un grand club. Ainsi, le milieu hongrois Dominik Szoboszlai (Liverpool), les défenseurs des Bleus Dayot Upamecano (Bayern Munich) et Ibrahima Konaté (Liverpool) ou le milieu guinéen Naby Keïta (Werder Brême après cinq années passées à Liverpool) ont fait la bonne fortune de Red Bull après être sortis de l’une des «couveuses» du groupe, Salzbourg ou Leipzig, ou les deux.

Ce qui a une conséquence directe sur le jeu des formations du groupe : des équipes jeunes (l’un des entraîneurs de Leipzig, Ralf Rangnick, avait même théorisé l’interdiction d’aligner un joueur de plus de 26 ans) qui jouent fort, courent énormément et usent des éléments que l’on n’imagine pas fâchés de sortir d’une lessiveuse à laquelle ils doivent cependant leur éclosion. Aujourd’hui, tant par le style de jeu que par un concept de multipropriétés qui essaime un peu partout, Red Bull incarne une forme de modernité. Reste à savoir si les supporteurs du Paris FC verront le côté face (la performance) ou le côté pile (une identité sacrifiée).