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Libération
Reportage

Entre fumigènes et lacrymos, la folle soirée des supporteurs du PSG sans billets aux abords du Parc des Princes

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Pendant que Paris s’offrait mercredi soir une place pour la finale de la Ligue des Champions face à Arsenal, des supporters se sont massés aux abords du stade pour soutenir leur équipe. Malgré des tensions avec les forces de l’ordre, la fête a pris le dessus.
Des supporters du PSG après la victoire près du Parc des princes. (GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP)
publié le 8 mai 2025 à 0h26

Il n’est que 18 heures, et Ilhame est déjà éblouie. Son téléphone levé vers le Parc des Princes, elle immortalise un début de soirée qui s‘annonce magique. Elle ne le sait pas encore, mais ce mercredi 7 mai, son équipe de cœur, le Paris Saint-Germain, se qualifiera en finale de Ligue des Champions. Elle est venue des Yvelines spécialement pour l’occasion avec son petit frère Imrane. Pour ces deux supporteurs du PSG, impossible de ne pas être de la partie ce soir.

La fratrie n’a pourtant pas de billet pour franchir les grilles du stade. «Pour nous c’était quand même important de venir devant le stade, pour s‘imprégner de l’ambiance, profiter de l’adrénaline du match et échanger avec d’autres supporteurs», sourit Ilhame. L’étudiante ingénieure de 25 ans s‘imagine faire des allers-retours entre un café et les grilles du stade, pour célébrer les plus belles actions avec d’autres fans.

Des pétards et des chants se font entendre alors qu’Ilhame rêve de sa soirée. A quelques mètres d’elle, un groupe de supporteurs s‘est réuni. Dans une nuée de fumigènes rouge et bleu, ils agitent leurs drapeaux et déclarent leur amour au PSG avec leurs hymnes habituels. Des CRS leur font face. La préfecture de police l’a annoncé : aucun rassemblement n’est autorisé aux abords du stade, et seuls les détenteurs de billets peuvent s‘approcher du Parc des Princes. Malgré cela, la foule se met en marche et descend une rue adjacente à l’enceinte. Tous chantent. L’ambiance est festive. Des ultras portent leurs écharpes en étendard tandis que des enfants s‘émerveillent face à la ferveur des supporteurs du Paris Saint-Germain.

«On ne peut pas partir, on est bloqués !»

Matthieu et Elise observent la scène, sourires plaqués sur le visage. Comme Ilhame et son frère, le couple n’a pas de billet pour ce soir. «Je voulais venir donner de la voix, raconte Matthieu. C’est vrai que j’aurais préféré être dans le stade, mais c’est quand même kiffant d’être là.» Venir sans avoir de billets, le jeune homme l’a déjà fait en 2020, lorsque son équipe jouait à huis clos contre Dortmund, au tout début de la pandémie de Covid-19. Il espère que le match de ce soir se terminera avec une issue similaire : une victoire du PSG.

A 19 heures, la foule se met à courir. «Qu’est-ce qu’il s‘est passé ? Ils ont commencé à charger ?» Les CRS les encerclent. Plusieurs supporteurs essaient de se libérer en rejoignant les abords du stade. Les agents des forces de l’ordre font barrage. «Vous n’avez pas de place ? Alors je vous laisse partir», crie l’un d’eux. Des râles se font entendre. Un embouteillage humain se crée. Au milieu des supporteurs, un homme s‘égosille : «Vous allez nous bloquer combien de temps ? On ne peut pas partir, on est bloqués !»

«Ils nous gazent putain !». La foule recule. L‘ambiance festive a disparu. Des habitants du quartier ouvrent leurs fenêtres pour donner des casseroles de lait à ceux qui se sont fait gazer. Kenzo et Naofen s‘aspergent les yeux. «On était simplement venus donner de la voix, se désolent les adolescents de 15 et 16 ans. Mais là c’est décevant. On a été pris en étau.»

«Ton téléphone, penche le un petit peu, on est 36 dessus»

A 30 minutes du début de la demi-finale, les bars font le plein. L’ambiance enflammée des supporteurs sans billets s‘y est déportée. Quelques irréductibles fans résistent encore et toujours devant la porte d’Auteuil, virage emblématique des ultras du PSG. Comme plus tôt dans la soirée, ils chantent dans de la fumée bicolore. Les CRS les observent plus loin, derrière les grilles de sécurité.

Amir, Sosa et Evan, 17 ans, sont des habitués. Ils viennent régulièrement devant les grilles du stade pour soutenir leur équipe fétiche. «On espère se faire entendre, pour donner du soutien aux joueurs. On sait qu’ils vont gagner, parce que c’est Paris, c’est magique.»

Coup de sifflet. C’est parti. Assis sur les trottoirs, les supporteurs se sont regroupés en petits groupes pour regarder la demi-finale sur leurs téléphones. Les chants ont laissé place à un silence religieux. Tous sont concentrés. «Ton téléphone, penche le un petit peu, on est 36 dessus», implore un supporteur auprès de Bastien, fan du PSG de 24 ans. Le jeune homme n’avait pas prévu de regarder le match sur son petit écran. «Je voulais profiter de l’ambiance d’avant match, puis aller dans un bar, mais il y a trop de monde, tout est complet.»

Après vingt minutes de jeu, les forces de l’ordre évacuent à nouveau les abords du stade. Seulement sept minutes plus tard, la rue se transforme en fête. Les voix s‘égosillent et les supporteurs se sautent dans les bras. Fabian Ruiz vient de marquer le premier but du PSG.

Trois blessés et 44 personnes en garde à vue selon la préfecture de police

Après la mi-temps, dans les bars autour du Parc des Princes, on applaudit. On crie. L’espoir est là. Paris retient son souffle. La 71e minute est une libération. «On y est !». Les supporteurs se lèvent sur les chaises, font tourner leurs maillots, se félicitent sans même se connaître. A l’extérieur du café, des supporteurs se collent aux baies vitrées pour célébrer ce nouveau but. «On est en finale ! On est en finale !», s‘écrient-ils, 20 minutes avant la fin de la partie.

Sur un boulevard adjacent au Parc des Princes, pendant les arrêts de jeux, des supporteurs tirent des feux d’artifice, convaincus que leur équipe gagnera. Une foule court à nouveau. La tension avec les forces de l’ordre revient dans la rue. Pour y échapper, quatre fans se sont réfugiés dans un restaurant : les Normands Alexandre, Gaëtan et Steven, accompagnés de Manon, rencontrée plus tôt dans la soirée.

A l’origine, les trois amis de Rouen pensaient rester aux abords du stade jusqu’au début du match pour vivre l’ambiance festive à fond. «Mais à 19 heures, on s‘est fait gazer alors qu’on chantait, relate Steven. Ca fait tout drôle, parce qu’on n’avait aucune échappatoire. On voulait être près du stade pour faire des allers-retours et célébrer avec tout le monde, mais ça a dégénéré.» Il raconte qu’un supporteur a tiré au mortier d’artifice et que les CRS ont répliqué. «Après ça, on s‘est barrés, et on a atterri ici.»

La préfecture de police affirme qu’il n’y a eu aucun incident majeur. Lors de la célébration de la victoire finale plus tard dans la soirée, la préfecture a indiqué que trois personnes avaient été blessées par une voiture qui les a percutées près des Champs-Elysées dans des circonstances indéterminées. Le véhicule aurait été ensuite incendié avenue Marceau, non loin des Champs-Elysées, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Dans la nuit, plusieurs dizaines de personnes ont été interpellées et 44 ont été placées en garde à vue, selon le dernier bilan communiqué par le parquet de Paris.

Ces mauvais souvenirs sont finalement vite oubliés. Le PSG a gagné et est qualifié en finale. Derrière la vitre du restaurant, plusieurs supporteurs prennent la route des Champs-Elysées pour célébrer la victoire. Pour Gaëtan, pas de doute : «Pour la finale, on redescend à Paris ! Je viens même en Kangoo s‘il le faut !».

Mise à jour jeudi 8 mai avec le bilan de la nuit, trois blessés et 44 gardés à vue