Une date majuscule dans l’histoire des Bleus : le capitaine tricolore, Kylian Mbappé, superstar de l’équipe de France depuis sa naissance au niveau international en 2017, a été écarté ce jeudi 7 novembre par le sélectionneur, Didier Deschamps, de la liste des 23 joueurs appelés à disputer les deux matchs de Ligue des nations contre les sélections israélienne (jeudi 14 novembre à Saint-Denis) et italienne (dimanche 17 novembre à Milan).
Le contexte en bref : en chute libre sportivement depuis neuf mois et l’officialisation de son départ du Paris-SG, le joueur s’était fait porter pâle lors du dernier rassemblement, qu’il aura passé à Stockholm où son nom a été cité par la presse suédoise dans une enquête ouverte pour viol. «Kylian n’est pas blessé, a expliqué Deschamps devant des journalistes réunis au siège de la Fédération française de football. J’ai eu plusieurs échanges avec lui, on n’a pas été d’accord sur tout. J’ai réfléchi et j’ai pris cette décision pour ce rassemblement, c’est-à-dire ponctuellement. Je pense que c’est mieux comme ça.» Sidérée, l’assistance a sans cesse relancé un Deschamps sur la défensive, bien déterminé à ne pas plus en dire qu’il n’avait l’intention d’en lâcher et d’une prudence extrême sur le choix du moindre mot.
«C’est mieux comme ça»
«Je vais ajouter deux choses, a-t-il cependant éclairé. Une : le joueur voulait venir. Et deux : il n’y a pas de considérations extra-sportives là-dessus [allusion à l’affaire du viol de Stockholm, ndlr] car la présomption d’innocence existe et doit exister.» Mbappé n’étant à ce stade officiellement accusé de rien ni par personne, le sélectionneur le mouille quand même. Puis : «Je ne vais pas en dire plus. Il y a un cadre auquel je reste attaché, des temps de jeu à répartir. C’est MA décision, insiste-t-il. Et je pense que c’est mieux comme ça.» Pour lui ou pour les Bleus, a alors relancé un journaliste ? «C’est mieux comme ça», a répondu Deschamps.
Sur la nature des désaccords l’ayant opposé au joueur, l’entraîneur tricolore a finassé : «Je n‘ai pas parlé de désaccord ; j’ai dit que nous n’avions pas été d’accord sur tout, c’est différent.» Il était temps que ça se termine. Sur une réponse peut-être pas si neutre, quand il lui fut demandé si l’absence de leur capitaine n’allait pas affecter, d’une manière ou d’une autre, des coéquipiers qui ne cachent pas, pour certains du moins, une certaine admiration envers le Bondynois : «Vous affirmez des choses, libre à vous, mais elles peuvent être vraies, fausses, plus ou moins vérifiées… Kylian n’est pas avec nous, et il n’était déjà pas avec nous lors du dernier rassemblement.» S’il n’est pas simple de percer la ligne de défense rhétorique du sélectionneur, il est quand même assez net sur certains points.
Bol de soupe et partie de Uno
La théorie de la protection d’un joueur que l’on pressent en difficulté psychologique depuis des mois paraît tenir difficilement. C’est peu dire que Deschamps n’a pas forcé la note empathique jeudi. Indissociables jusqu’ici, les lignes de vie de l’équipe de France et de son attaquant vedette sont désormais séparées, chacun faisant sa vie dans son coin. Et si Mbappé en avait pris l’initiative en octobre, c’est cette fois-ci Deschamps qui a coupé le fil, manière de reprendre la main et de faire payer au joueur la distance qu’il avait jugé utile de mettre entre lui et les Bleus. La restauration d’une autorité, mais pas seulement. D’Olivier Giroud à Antoine Griezmann, en passant par Samuel Umtiti et même Karim Benzema avant l’affaire de chantage qui l’a impliqué en 2015, Deschamps a par le passé toujours soutenu les joueurs sur lesquels il comptait, surtout s’ils étaient à marée basse : il y a toujours un bol de soupe et une partie de Uno qui t’attendent à Clairefontaine. Mais tous, à un moment, se sont quand même vu présenter la note.
Et cette mise à l’écart y ressemble. Si Deschamps a évoqué (sans trop insister) le caractère éphémère de la mise à l’écart de sa star, il n’en a pas moins ouvert le champ des possibles. Et ils ne se conjuguent pas tous avec la présence de l’attaquant madrilène chez les Bleus.