Le gardien du temple de Leicester Square, dans le centre de Londres, lieu de toutes les joies et toutes les débauches, porte un collier de barbe rousse et un regard d’eau. Il scrute autour de lui : la place porte les traces des luttes passées. La fontaine centrale, en marbre, est souillée de tourbe à force d’être piétinée. Une étiquette du drapeau écossais colle au train de William Shakespeare. Stigmate de la chevauchée joyeuse de la Tartan Army, les supporteurs écossais, qui avaient envahi la place, parfois nus, lorsque les deux équipes se sont rencontrées en match de poule le 18 juin.
Bob, l’homme à la barbe rousse, confesse avoir ce jour-là pris la fuite vers Blackpool — c’est-à-dire à l’extrême opposé du pays. Trop d’effervescence, même pour lui. Bob est l’agent de nettoyage le plus quémandé de tout le royaume depuis un mois. A chaque victoire anglaise, des milliers d’âmes investissent les lieux pour y rejoindre le meilleur de l’Angleterre : Charlie Chaplin, Paddington et Mr Bean en figures de bronze. Bob : «Des heures supp, mais un meilleur salaire à la fin du mois.»
Bob ne s’émeut pas du fond de l’air paisible : il dit qu’il sait. Que les Anglais fourbissent leurs armes.