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Libération
Football’s coming home

Euro 2021: à Wembley, l’Angleterre sort l’Allemagne et efface une malédiction plus que cinquantenaire

Euro de football 2020 (en 2021)dossier
Depuis 1966, les Three Lions n’avaient plus battu la Mannschaft en compétition. Vainqueurs 2-0 en huitième de finale, ils ont mis le feu à leur stade et à Londres.
Raheem Sterling (numéro 10), le bad boy du foot anglais ouvre le score sur la pelouse de Wembley. Depuis la Coupe du monde 1966, l'Angleterre n'avait plus battu l'Allemagne en compétition. (Justin Tallis/AP)
publié le 29 juin 2021 à 21h47

Deux heures avant le huitième de finale entre l’Angleterre et l’Allemagne, huitième de finale de l’Euro 2021, Gareth Southgate, le sélectionneur anglais, a pris un bain de foule. Il a fendu les alentours de Wembley avec son veston bleu nuit, sa cravate rouge et son poing levé. Des centaines de supporteurs l’ont poursuivi, smartphones levés. Ils ont crié, chanté et Southgate a fini sur les épaules d’un baraqué : ce sosie du manager des Three Lions a une cote de popularité infiniment supérieure que le vrai bonhomme, qui crispe depuis trois semaines avec ses compos jugées trop défensives. Même son double en carton se pavane : il reçoit de la bière gratuite et des câlins.

Mais tout ça, c’est fini. Oublié. Parti en fumée à la 80e minute d’un match que les Anglais doivent perdre, c’est écrit, publié, commenté, comme toutes les rencontres entre les deux équipes en compétition depuis la Coupe du monde 1966. L’histoire hoquette depuis soixante ans, les Anglais se réfugient derrière une maxime indélébile («le football se joue à onze et à la fin…»). Mais ce mardi, ils ont gagné. Pas au coup de sifflet final de l’arbitre, mais à dix minutes du terme de la rencontre. Quand l’Allemand Thomas Muller, qui a tous les habits de l’assassin parfait, croise son tir vingt centimètres à droite des montants de Jordan Pickford. L’attaquant, genoux à terre, se prend la tête entre les mains. Gareth Southgate et ses hommes viennent de faire tomber la malédiction.

Devant Wembley : «Personne n’a assez bu ici»

Comment respirent une ville, un stade, avant, pendant, après la malédiction qui alimente le foot anglais depuis un demi-siècle file au-dessus des têtes ? Dans une rue du centre de Londres, quatre molosses ont tricoté des jupes à paillettes. A Trafalgar Square, le football est confiné à une élite : mille personnes pour la fan zone officielle et des panneaux qui occultent l’écran géant pour les autres. Dans le métro, un jeune lad qui tente de rameuter les troupes par la voix, suivi par un ami, sac plastique rempli de canettes, qui lui conseille d’arrêter : «Personne n’a assez bu ici.» En face d’une pissotière : un type qui chante le tube Three Lions, et son fameux Football’s coming home pour faire tomber la pluie. Devant Wembley : un microclimat, avec ses trombes de bière, de canettes, de ballons. Une belle frappe en l’air rapporte quelques cris. Une aile de pigeon, des hourras. Reprendre la balle des mains des flics et le type est porté en héros. Dans Wembley : un God Save the Queen chanté comme avant-Covid, par 40 000 personnes, et l’hymne allemand copieusement sifflé.

Avant la rencontre, les deux équipes vivent sur des certitudes clairsemées. En poule, l’Allemagne a terrassé les champions d’Europe portugais mais a buté contre la France et la Hongrie. De son côté, l’Angleterre n’a pas perdu, mais rien prouvé non plus, si ce n’est sa difficulté à planter des pions (deux buts en trois matchs). Les deux équipes semblent pourtant tenir un nouveau rôle, comme de nombreuses formations depuis le début des huitièmes de finale. Chacun a son moment, tente de trouver le fil de la rencontre sans réussir à le saisir complètement. Sterling envoie une première mèche (15e), Maguire enchaîne les têtes, Werner perd son duel face à Pickford, Havertz est repris de justesse et Kane manque l’immanquable. Du rythme et, bizarrement, de la patience. Des ouvertures, sans faille visible. Le 0-0 tend ses bras quand Raheem Sterling, le bad boy du foot anglais, titulaire en Premier League à 17 ans, le repousse des deux mains (75e). Au commencement, à la finition : l’unique marqueur anglais de la compétition débloque la situation. Thomas Muller loupe, Harry Kane enfonce le clou (86e), premier but de l’Euro et doutes dissipés pour le capitaine. Le football anglais vient de faire sauter la loi la plus répressive de son histoire.