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Euro 2021 : Gareth Southgate, Churchill et le banc anglais

Euro de football 2020 (en 2021)dossier
L’entraîneur des Three Lions, qui affrontent le Danemark en demi-finale de l’Euro ce mercredi à 21 heures à Wembley, est, outre-Manche, l’homme de cet Euro.
L'entraîneur anglais Gareth Southgate au centre d'entraînement St. George's Park à Burton upon Trent, ce samedi. (Carle Recine/Reuters)
publié le 29 juin 2021 à 14h45
(mis à jour le 7 juillet 2021 à 13h43)

«Un type sympa, ce Southgate. Un peu barbant par contre.» Un jour, Gareth Southgate a parlé de lui-même et le propos liminaire a semblé atteindre sa cible en plein dans le mille, cadrant le bonhomme comme l’épicier du coin l’aurait fait. Le manager de l’Angleterre, veston cravate à la semaine, a un côté transparent qui lui colle à la peau depuis trente ans. C’est en partie injuste, pour deux raisons : la vision qu’il a de lui-même, en totale contradiction avec celle qu’il imagine du sélectionneur anglais. Et le 26 juin 1996. Ce jour-là, Southgate, défenseur plus reconnu pour sa constance que son talent, frappe un plat du pied mou lors de la séance de tirs au but contre l’Allemagne en demi-finale de l’Euro anglais. Andreas Köpke, le gardien adversaire, s’allonge tranquillement : les Three Lions flanchent une nouvelle fois contre l’Allemagne et Southgate alimente la réputation que traîne son équipe, à savoir onze bonshommes dont le mental flanche au moindre pet de pression, surtout quand il s’agit d’un duel à onze mètres. «Je suis resté éveillé toute la nuit, à me demander : «Qu’est-ce que les gens vont penser de moi ?» J’étais effrayé», se rappelle Southgate quelques mois plus tard.

L’Angleterre affronte la Mannschaft ce mardi, à Wembley de nouveau, en huitième de finale cette fois, et on est forcé d’y voir une drôle de réminiscence. Ce penalty manqué a poursuivi, au moins dans sa tête, le manager anglais toute sa carrière de joueur puis d’entraîneur – «J’ai expérimenté le plus bas possible de ce qu’un joueur est capable de faire dans le foot, je peux désormais supporter tout ce que le foot me balance», raconte-t-il un jour. En juin 2020, il admet n’avoir revu que récemment les images de ce foirage, avec ses enfants.

«L’Angleterre a besoin de Churchill»

Outre-Manche, Southgate est l’homme de cet Euro, à la tête d’un effectif sans leaders en forme (le capitaine Harry Kane, le milieu de terrain Jordan Henderson). Celui qui, quand on se balade dans la rue, fait ouvrir les bouches. «Trop défensif», «ennuyant à mourir». Depuis deux semaines, les Anglais n’ont impressionné personne mais les autres huitièmes ont dessiné une nouvelle compétition – la qualification de la Suisse, de la République tchèque. Le banc des Three Lions est une tannée, principalement parce que l’entraîneur anglais a une réputation affreuse : les dix derniers à s’y être confronté s’y sont cassé les dents une à une. Les étrangers aussi, et quand l’Angleterre du Suédois Sven-Goran Eriksson est éliminée face au Brésil, lors de la Coupe du monde 2002, Southgate déclare à propos de son sélectionneur : «L’Angleterre a besoin de Churchill mais a reçu Iain Duncan-Smith», à l’époque chef sans charisme du Parti conservateur. Saillie qu’il a toujours niée.

Dans une lettre ouverte à la nation publiée trois jours avant l’Euro sur The Player’s Tribune, plateforme qui laisse une parole directe aux joueurs, Southgate explique en partie son engagement sur le banc anglais par un sens du devoir patriotique : «Mon sens de l’identité et des valeurs est étroitement lié à ma famille et particulièrement à mon grand-père. C’était un patriote féroce et un fier militaire. […] A cause de lui, j’ai toujours eu une affinité pour l’armée et le service au nom de son pays.»

Maigre CV

Depuis l’époque Eriksson, puis l’Italien Fabio Capello, la Fédération anglaise est revenue à un sélectionneur made in England, sans grand effet sur les résultats de la sélection. Dans une émission sur Skysport, il y a quelques années, le trio de la Golden Generation des années 2000, Franck Lampard, Rio Ferdinand et Steven Gerrard, racontait les origines du mal anglais : les inimitiés – ou le manque d’unité – relatives à un championnat anglais resserré autour de quatre équipes, ce qui amplifiait les tensions. Les trois légendes avançaient sans trop de prudence une autre raison : le niveau des entraîneurs qui se sont succédé, très en deçà des standards internationaux, ou de ce qu’ils considéraient être.

Southgate, qui a mené l’Angleterre en demi-finale de la dernière Coupe du monde (en terminant la compétition avec trois défaites ce qui démontre les limites du résultat), une première depuis son unique sacre en 1966, fait au moins partie de cette lignée, sur la base de son très maigre CV. Plus de 600 matchs pro, mais une seule expérience à la tête d’un club, Middlesbrough (2006-2009), avec qui il connaît la relégation. La direction des Espoirs ensuite (2013-2016), qu’il quitte pour l’équipe première après un championnat d’Europe raté. En 2006, il déclarait au Guardian : «Si tu n’as pas un manager assez bon venant de ton pays, entraînes-en un. Je n’ai aucun problème avec les entraîneurs étrangers pour les clubs, aucun. Mais avec l’Angleterre, je veux un Anglais qui dira : “Souvenez-vous de Churchill.”»

Mise à jour : actualisation ce mercredi à l’occasion de la demi-finale entre l’Angleterre et le Danemark.