Pression tous azimuts. Face au refus de l’UEFA d’éclairer le stade de Munich aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT+ en signe de protestation contre la politique de la Hongrie envers les minorités sexuelles, Angela Merkel monte au créneau. La chancelière allemande dénonce ce mercredi après-midi une «mauvaise» loi. L’Elysée a pour sa part dit «regretter profondément» la décision de l’instance organisatrice de l’Euro.
Quelques heures plus tôt, c’est le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, qui est sorti de sa réserve : «C’est vrai, le terrain de football n’a rien à voir avec la politique. Il s’agit de personnes, d’équité, de tolérance. C’est pourquoi l’UEFA envoie le mauvais signal».
Face au tollé, l’instance organisatrice de l’Euro a finalement décidé de… mettre son logo aux couleurs de l’arc-en-ciel, tout en campant sur ses positions. L’UEFA a rappelé dans un communiqué sa volonté de ne pas se mêler de «politique», ce qui aurait été le cas, selon elle, en illuminant le stade de Munich en arc-en-ciel pour le match Allemagne-Hongrie, ce mercredi à 21 heures.
Malgré ce mini-rétropédalage, le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, a remis de l’huile sur le feu ce mercredi après-midi. «Nous ne voulons pas être utilisés dans des actions populistes», a-t-il affirmé ce mercredi après-midi au quotidien allemand Die Welt avant la rencontre Allemagne-Hongrie dans la capitale bavaroise. «En raison de la popularité du football, les gens essaient trop souvent d’abuser des associations sportives à leurs propres fins», a-t-il fustigé.
— UEFA (@UEFA) June 23, 2021
Banderole homophobe
Le déclencheur de cette polémique ? La loi hongroise adoptée le 15 juin, qui prévoit que «la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans».
En refusant l’éclairage du stade aux couleurs arc-en-ciel, l’instance organisatrice de l’Euro a déchaîné les critiques et suscité un vaste mouvement de solidarité. A l’origine de cette initiative pro-LBGT+, Munich ne compte pas pour autant lâcher l’affaire. Son maire, Dieter Reiter, a annoncé que plusieurs sites emblématiques de la ville bavaroise seraient parés de ces couleurs symboliques ce mercredi soir, dont une tour et une éolienne visibles depuis le stade.
Avant le match, les organisateurs de la marche des fiertés de Munich, associés à Amnesty International, prévoient également de distribuer 11 000 drapeaux arc-en-ciel aux spectateurs. Alors que seules 14 000 places seront occupées, en raison des restrictions dues au Covid-19, ces couleurs devraient envahir les tribunes. La ville est soutenue dans ce combat contre l’UEFA par le gouvernement allemand. «Heureusement, vous pouvez encore afficher vos couleurs aujourd’hui – dans le stade et en dehors», a précisé le ministre des Affaires étrangères allemand.
L’ambiance pourrait toutefois se tendre avec des supporters hongrois. La Brigade des Carpates, groupe d’ultras reconnaissables à leurs tee-shirts noirs, prévoit de débarquer «par milliers» à Munich, selon sa page Facebook. La semaine dernière, l’UEFA avait été saisie après le déploiement d’une banderole homophobe par les supporters hongrois lors du match face au Portugal.
«Décision politique»
En France, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, est aussi monté au créneau, retournant contre l’instance son propre argument de neutralité. «L’UEFA s’est un peu pris les pieds dans le tapis parce qu’en fait sa décision de refus est aussi une décision politique, a-t-il jugé ce mercredi matin au micro de France Inter. Si elle pensait que tout cela était neutre, cela ne susciterait pas l’émotion et la polémique qu’on voit depuis vingt-quatre heures», a répliqué Clément Beaune.
Clément Beaune, qui a lui-même fait son coming out en décembre, poursuit : «Défendre l’égalité, ce n’est pas attaquer telle ou telle loi du gouvernement hongrois, ce n’est pas une opinion politique. Ce sont des valeurs fondamentales qui sont dans les chartes sportives, dans les traités européens», a-t-il ajouté en rappelant que «l’UEFA s’engage régulièrement comme la Fifa pour des causes» telles que la lutte contre le racisme.
Le secrétaire d’Etat a aussi fustigé la Pologne, régulièrement montrée du doigt tout comme la Hongrie, pour des lois jugées contraires à l’Etat de droit. «L’Europe ce n’est pas le marché et le tiroir-caisse pour la Hongrie ou la Pologne. Ce sont des valeurs», a-t-il lancé. Il rappelle : «Personne n’est forcé d’adhérer à l’Union européenne. Quand on y est, on respecte ces choses minimales qui ne sont pas de la politique, qui sont des valeurs élémentaires.»
«Honte»
La présidente de la Commission européenne, Ursula von de Leyen, est aussi entrée dans la danse ce mercredi, qualifiant cette loi qui «discrimine les personnes sur la base de leur orientation sexuelle» contre les homosexuels de «honte». Elle s’est ainsi engagée à «utiliser tous les pouvoirs juridiques de la Commission européenne pour garantir les droits des citoyens européens», dans une allocution publiée sur Twitter. Une déclaration signée par 14 Etats membres avait appelé la Commission à agir contre cette loi.
Dans un échange de ping-pong puéril, le gouvernement d’Orbán a jugé «la déclaration de la présidente de la Commission européenne est une honte», dans un communiqué. Le Premier ministre hongrois a en outre fait savoir qu’il ne se déplacerait pas à Munich pour assister au match, selon le Guardian.
Outre le terrain diplomatique, le sujet s’est aussi invité sur celui de l’économie. C’est désormais au tour de marques puissantes de s’engager sur le sujet. Le constructeur BMW ainsi que l’assureur Allianz – qui a financé en partie et donné son nom au stade de Munich – ont passé leurs logos aux couleurs arc-en-ciel sur Twitter. De quoi imaginer une réaction de l’UEFA, si l’organisation en venait à être touchée à (son précieux) porte-monnaie, au lendemain de la prise de position d’Antoine Griezmann sur les réseaux sociaux.
In sports & in life, diversity makes a team stronger. While we are not able change the lights at the #AllianzArena this week, we hear you & we stand firm in our commitment to support the LGBTQIA community. This week, this month & all year round. The arena turns 🌈again this July! pic.twitter.com/e7sC6xICEV
— Allianz (@Allianz) June 22, 2021
Par ailleurs, en Hongrie, plusieurs clubs de football prévoient d’éclairer leur stade aux couleurs du drapeau national pendant le match de l’Euro Allemagne-Hongrie. Gábor Kubatov, le président du plus grand club hongrois, Ferencvaros, a appelé à «colorer tous les stades en rouge-blanc-vert». Selon ce responsable, qui occupe également la vice-présidence du parti Fidesz du très droitiste Viktor Orbán, l’idée répond à une requête de leurs supporteurs ultras face aux «provocations» de Munich.
Parmi les autres clubs qui participent à cette initiative, figurent le MTK à Budapest ou encore Debrecen dans l’est du pays, tous deux liés à des politiciens du Fidesz. Une des annexes musicales de l’Opéra d’Etat de Budapest sera également éclairée.