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Libération

Euro 2021: les Bleus un peu nuls contre la Hongrie

Euro de football 2020 (en 2021)dossier
La France s’est fait surprendre par des adversaires survoltés et jouera sa qualification pour les huitièmes de finale contre le Portugal.
Les défenseurs hongrois Loic Nego et français Lucas Digne tâtent le gazon de la Puskas Arena. (LASZLO BALOGH/AFP)
publié le 19 juin 2021 à 17h13

La véritable entrée des champions du monde en titre dans l’Euro 2021 était pour ce samedi, à Budapest, et les Bleus ont été à un souffle (1-1) de passer par la fenêtre de la Ferenc-Puskàs Arena, dévorés collectivement par une sélection hongroise qui a désintégré toutes les limites bien comprises du don de soi et de l’abnégation pour le copain. La victoire à Munich (1-0) quatre jours plus tôt avait un goût d’entre-soi, entre des joueurs français ou allemands qui se reniflent toute l’année. Là, il s’agissait d’autre chose. Des adversaires d’extraction comparativement modeste (Fehervar en Hongrie, Osijek en Croatie...) qui disputent le match d’une vie et cavalent deux fois comme les stars tricolore (du moins au début, tant qu’ils le peuvent) tout en plongeant au sol au moindre contact, une pelouse qui grippe le ballon, les supporteurs de la «Carpathian Brigad» (Brigade des Carpathes) habillés de noir, la couleur de l’empire austro-hongrois, à mettre en rapport avec la minuscule portion de Carpathes à être restée dans le giron magyar après le traité du Trianon élaboré en 1918 entre autres par la France... Un match de Coupe, augmenté d’une charge identitaire et historique. Rude.

Ça reste quand même du foot: la sélection hongroise a toute les peines à entrer dans les trente derniers mètres tricolores. Mais les occasions françaises sont rares. Elles se trament toutes autour du même joueur: Kylian Mbappé, à la réception d’un centre de Lucas Digne (17e), ouvrant d’une remise le but à Karim Benzema qui, seul, frappe à côté (31e) ou déchirant la défense hongroise avant d’écraser sa frappe (33e). Certains choix éruptifs de Paul Pogba indiquent que le camp tricolore s’agace, même sous le masque de la maîtrise du ballon et du self-control. Censément dépositaire du jeu tricolore, Antoine Griezmann est noyé dans ce combat d’arrière-court.

Les cinq, dix dernières minutes de la première mi-temps sont complètement –et collectivement– caviardées par Griezmann & co. Ouvrant en majesté le chemin au défenseur hongrois Attila Fiola, lequel grille Benjamin Pavard et et Raphaël Varane en beauté pour se présenter devant Hugo Lloris et le battre du droit (1-0, 45e + 2). On jure avoir vu arriver celui-là de très, très loin. Quand l’arbitre anglais Michael Oliver renvoie tout le monde au vestiaire, l’ambiance est indescriptible. Et les Hongrois ont couru 3,5 km de plus.

Avec la palme pour Andreas Schäfer (6,03 km, par 32°C à l’ombre), jeune (22 ans) sociétaire du petit club du DAC Dunajska Streda, club de la minorité hongroise de Slovaquie. Dès l’attaque de la deuxième période, les Bleus peinent encore un poil plus et on comprend que rien ne changera sauf à voir l’une des stars tricolores sortir un lapin du chapeau, à moins bien sûr que les Hongrois arrêtent de courir comme des possédés. Le sélectionneur, Didier Deschamps, fait ainsi rentrer Ousmane Dembélé (pour Adrien Rabiot, en souffrance) pour ses initiatives personnelles et le Barcelonais canonne un poteau dans la foulée (58e). Trois minutes plus tôt, Pavard, dans un réflexe de survie, a retiré sa jambe dans la surface tricolore alors que Fiola, gourmand, avait laissé traîner la sienne au contact. A un souffle du péno. Les Bleus au bord de l’abîme.

Dans une équipe au collectif planté, c’est-à-dire totalement dépendante de ses vedettes, c’est sans surprise Mbappé qui va les en éloigner. Au contact des défenseurs hongrois sur un long dégagement sans perspective, l’attaquant parisien va camionner l’adversaire, puis contrôler (du bras, collé au corps), puis dribbler, puis centrer avant que Griezmann ne mette au fond le ballon qui traîne (1-1, 66e). Nul regain ni élan à suivre : les Bleus soulagés, encore sous le coup de la frayeur.

Du coup, contrairement à ce que l’entraîneur tricolore avait fait contre la Mannschaft allemande, Deschamps fait tourner : Corentin Tolisso pour Pogba et, tiens donc, Olivier Giroud pour Benzema, dans une manière de retour en arrière puisque le premier a prospéré sur la longue absence du second. Schäfer sort aussi, au bout du bout. Il en aura, des choses à raconter, quand il retrouvera le vestiaire du DAC Dunajska Streda. Au coup de sifflet final, les joueurs hongrois se sont embrassés comme jamais, hurlant devant leur kop avant d’entonner l’hymne national avec leur public dans un stade chauffé à blanc. Grand, grand frisson. Celui que les Bleus ont ressenti à l’heure de jeu samedi est plus modeste. Mais pas moins réel.