On aura senti venir les tirs au but de loin, disons une petite heure. A vrai dire, on a presque senti l’arbitre anglais Michael Oliver tenter de les suggérer aux sélections française et portugaise avant terme, sur l’air de «Messieurs, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, raccourcissons ce pensum». Il n’en avait certes pas la latitude, le règlement est le règlement et les Bleus ont dû attendre cet exercice vaguement maudit – deux échecs lors des deux dernières compétitions – pour arracher leur place dans le dernier carré (0-0 après prolongations, 5-3 aux tirs au but). C’est Théo Hernandez, complètement éteint la quasi-totalité de la partie, qui a inscrit le dernier tir au but. Après tout, cette équipe donne ce qu’elle a à donner.
La sélection espagnole est pour mardi à Munich. Vendredi, Kylian Mbappé est arrivé au Volksparkstadion de Hambourg en solitaire, dernier à descendre du bus tricolore, longtemps après les copains. Et son vice-capitaine Antoine Griezmann est arrivé le premier sur la pelouse pour l’échauffement, son sourire magnifié par les écrans géants. Too much bien sûr. Mais le foot est un théâtre. La veille, Mbappé avait scellé dans le marbre médiatique (devant les micros) la méforme de Griezmann, on ne sait pas ce que le Mâconnais en a pensé mais il avait au moins une raison d’être content : tout à son mécano (il change de dispositif à chaque match), le sélectionneur, Didier Deschamps, l’avait replacé dans l’axe, les difficultés bien réelles du joueur depuis le début de l’Euro se voyant moins que sur le côté, où les situations de duels sont plus fréquentes.
Immense prudence
Pendant que Griezmann goûte son bonheur, un truc frappe depuis les tribunes : pour la première fois depuis son arrivée en Allemagne, l’équipe de France joue contre une sélection qui la vaut. Même patience, même propension à traiter chaque ballon récupéré comme un bien précieux, même dureté dans le combat, même absence de trou à tel ou tel poste puisque tout ce beau monde joue dans les plus grands clubs de la planète. Et mêmes rushs sur le but adverse quand une minuscule opportunité s’ouvre juste après la récupération du ballon. D’où l’impression de voir deux équipes en miroir, non pas similaires mais nourries aux mêmes intentions, aux mêmes réflexes et aux mêmes clubs source. Côté tricolore, le cas de l’ailier gauche adverse aura toutefois nécessité une gestion pointue : Rafael Leão mettant Jules Koundé au supplice à chaque fois, Eduardo Camavinga et Dayot Upamecano ont été diligentés en renfort.
0-0 aux citrons et une première mi-temps d’une immense prudence. A un tir cadré. La sélection portugaise a nettement accéléré à la reprise, comme si les Lusitaniens avaient fini par penser ensemble que leurs craintes initiales étaient superflues. Ça leur a valu l’effet de surprise. Ainsi, Mike Maignan a été contraint à deux gros arrêts (61e, 63e) dont le second, consécutif à une reprise de Vitinha après que Leão a une fois de plus déchiré le rideau bleu, nous a semblé relever du miracle. Piqués, les Bleus sont entrés à leur tour dans la danse quand Griezmann en est sorti, remplacé par Ousmane Dembélé : deux énormes opportunités tricolores plus tard, gâchées par Randal Kolo Muani (66e) et Camavinga seul aux six mètres (70e), et l’équilibre était rétabli.
Séance d’hypnose
Celui des occasions, de la crainte respective, de l’occupation du terrain… Dix minutes de lâcher-prise et vingt-cinq derrière pour laisser reposer, quelques tirs lointains côté tricolore, les 41 ans du rude défenseur portugais Pepe qui tiennent le choc à la course contre les 26 printemps de Marcus Thuram, Vitinha et N’Golo Kanté qui n’en finissent plus de se mettre des tartes. A la fin de la première prolongation, Leão et consorts vont s’offrir une séquence de possession ahurissante de près de quatre minutes (!), faisant tourner le ballon comme s’ils entreprenaient une séance d’hypnose. A ce stade, ceux-là n’en pouvaient plus.
Partant, elles se sont accrochées au score de parité qui leur était donné au coup d’envoi en s’en remettant aux tirs au but, sans Mbappé sorti à un quart d’heure du terme. Dembélé, Fofana, Koundé, Barcola et Hernandez n’auront pas tremblé, João Félix a manqué le sien. Les Tricolores restent sur deux buts en quatre matchs, les Portugais sortent sans en avoir inscrit un seul lors de leurs trois dernières rencontres (et avec deux prolongations en sus) : rasez les pics, qu’on voie la mer.