Le Sénégal a gagné au jeu où l’Egypte ne perdait plus depuis 1984 : les tirs au but. Le pays est champion d’Afrique pour la première fois de son histoire, après une finale à l’image de cette Coupe d’Afrique des nations : le faux rythme comme religion officielle, donc un exercice de patience pour les équipes, les joueurs et ceux qui les regardent. 0-0 à l’issue des prolongations. 4-2 aux penaltys. C’est donc l’équipe la plus forte de la compétition (sur le papier) qui l’a emporté, contre la sélection la plus compliquée à manœuvrer – la championne de ce faux rythme, celle qui, jusque-là, berçait le mieux et plus efficacement.
A lire aussi
L’affaire aurait pu se régler à la 6e minute. Penalty, pour le Sénégal, qui avait échoué en finale face à l’Algérie il y a deux ans. Petite pause avant le tir, un joueur est à terre. Ça boit, marche et papote. Mohamed Salah et Sadio Mané, coéquipiers à Liverpool, parmi les meilleurs attaquants du monde et rivaux de finale, ont alors offert une sucrerie aux caméras. Le premier chuchote un truc à Gabaski, son gardien. Il connaît le second, qui est le tireur : il a un tuyau, sûrement. Mané s’en mêle et, taquin, montre du doigt où il compte tirer. Mané frappe (à l’opposé de ce qu’il a indiqué) et Mané rate (Gabaski est injouable à ce jeu-là). Le match s’est alors liquéfié. Le Sénégal, plus frais, a été le plus offensif et audacieux. L’Egypte, semi-carbonisée, a été la plus ordonnée. Son plan est limpide : la berceuse, et les tentatives de trouver Mohamed Salah devant – le potentiel futur Ballon d’or.
Une CAN entre petit et gros bordel
Elle avait sorti les gros poissons pour en arriver là. Dans l’ordre : Côte d’Ivoire, Maroc et Cameroun, le pays organisateur. A chaque fois, des prolongations (soit 120 minutes) et des batailles à suer un océan. Le Sénégal, lui, a eu la vie moelleuse. Son premier vrai choc ? La finale, face aux Pharaons, nation la plus titrée du continent – 7 sacres. Dimanche soir, ils ont touché du doigt le huitième. Après tout, ils avaient l’ascendant une fois parvenu aux tirs au but (un record, une aisance assez folle à 6,50 mètres) et leur gardien, Gabaski – Mohamed Abou Gabal de son vrai nom. Il est la belle histoire. Remplaçant dans son club à Zamalek (club cairote) et en sélection, il fut, à partir des huitièmes et la blessure du titulaire, héros aux mains solides : 4 penalties stoppés au total. Le papier a définitivement parlé et c’est l’un des tout meilleurs portiers du monde qui lui pique la vedette : Edouard Mendy, champion d’Europe avec Chelsea, a arrêté le tir qu’il fallait.
Le Sénégal, souvent critiqué pour son jeu minimaliste, s’est délesté d’un poids immense : celui de venir souvent armé jusqu’aux dents et rentrer sans gros gibier, à savoir le trophée. Cette Coupe d’Afrique fut étrange, entre Covid et pelouses bousillées, entre petit et gros bordel. Médaille d’or pour les Comores : les insulaires, novices à la CAN, ont ainsi joué leur huitième de finale contre le Cameroun sans gardien de but de métier (un défenseur a donc mis les gants) à cause d’un imbroglio médical (le titulaire aux cages était rétabli du Covid, mais son autorisation pour y revenir a tardé à être validée par les instances). Le Sénégal et l’Egypte, eux, se retrouvent fin mars pour une finale en aller-retour. Ils s’affrontent en barrages pour une qualification à la Coupe du monde au Qatar. C’est décisif, certes. Mais est-ce que cela vaut une première victoire en Coupe d’Afrique ?