Huitième de finaliste déçue au Qatar, la sélection américaine regarde déjà «sa» Coupe du monde 2026, cogérée avec le Canada et le Mexique. Mais à plus de trois ans de l’échéance, se présente déjà une grosse embûche. Rocambolesque, elle a été mise en lumière mardi par l’annonce de la Fédération américaine de soccer (USSF) de l’ouverture d’une enquête concernant Gregg Berhalter, le sélectionneur de «Team USA». Ce dernier est accusé d’avoir frappé à coups de pied trente ans plus tôt (en 1991) dans un bar, Rosalind, sa petite amie à l’époque devenue depuis son épouse.
«Un moment honteux»
La Fédération américaine de football a décidé de mettre Berhalter provisoirement en retrait et a confié à son adjoint Anthony Hudson le soin de diriger le stage prévu en janvier, avant des matches amicaux contre la Serbie le 25 et la Colombie le 28. Quant à Gregg Berhalter, en pleine négociation pour être prolongé à la tête de la sélection, il s’est fendu d’un long message mardi sur les réseaux : «C’était un moment honteux, que je regrette encore aujourd’hui, il n’y a aucune excuse pour ce que j’ai fait ce soir-là», reconnaît celui qui jure l’épisode isolé et non-représentatif de sa personne.
Vingt-quatre heures après l’annonce de l’ouverture d’une enquête, les lanceurs d’alerte ont dévoilé leur identité : il s’agit de Claudio Reyna – footballeur pro dans les années 1990-2000, ancien capitaine de Team USA et coéquipier de Berhalter en sélection nationale avec qui il a participé aux Coupes du monde 2002 et 2006 – et de son épouse Danielle. Les deux anciens joueurs se connaissent depuis qu’ils sont enfants, puisqu’ils évoluaient dans la même équipe du New Jersey, entraînée par le père de Claudio Reyna, puis dans leur équipe de lycée à St Benedict’s, à Newark. Reyna fut même le témoin de mariage de Berhalter, si l’on en juge la courte biographie de ce dernier sur le site internet de la fédération américaine.
Les deux épouses, Danielle Reyna et Rosalind Berhalter, ont effectué, elles aussi, une partie de leurs études ensemble, à l’université de Caroline du Nord, où elles étaient colocataires et coéquipières dans la même équipe. Danielle Reyna a également été internationale féminine à six reprises dans les années 2000.
Vengeance familiale
Les Reyna sont en outre les parents de Giovanni, 20 ans, ailier prometteur de Dortmund, et membre de la sélection américaine lors de la Coupe du monde au Qatar. Sur place, son comportement aurait déplu à Gregg Berhalter et son staff au point de limiter le temps de jeu du joueur. Après l’élimination des Etats-Unis, le sélectionneur a expliqué qu’il avait failli renvoyer un de ses joueurs chez lui pendant la compétition en raison de son attitude. Un vote a même été organisé parmi les joueurs pour acter le fait de le garder ou non (il est resté à une voix près), mais Berhalter n’a pas révélé son identité. Giovanni Reyna a confié plus tard sur Instagram qu’il s’agissait de lui.
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Dans des déclarations au magazine The Athletic et à ESPN, Danielle Reyna affirme avoir contacté elle-même le directeur sportif de l’équipe, Earnie Stewart, un ami de longue date, le 11 décembre. Soit une grosse semaine après l’élimination des Etats-Unis au Qatar. Elle se dit furieuse que Berhalter n’ait pas accordé à son fils le pardon qu’elle-même lui avait accordé pour avoir frappé son amie en 1991. «J’ai trouvé qu’il était particulièrement injuste que Gio, qui avait présenté des excuses pour avoir réagi de manière immature à son faible temps de jeu, soit encore traîné dans la boue alors que Gregg a demandé et obtenu le pardon pour avoir fait bien pire au même âge», a-t-elle détaillé, disant se sentir «personnellement trahie» par les actes d’un homme que «[sa] famille considérait comme un ami depuis des décennies».
«Violences minimisées»
Mais sans se douter, dit-elle, que ses confidences accoucheraient d’investigations sur l’épisode en retour. Elle jure n’avoir jamais demandé la tête du sélectionneur américain. Et précise que la description faite par Berhalter des événements survenus au bar ce soir-là «minimise considérablement les violences en question», sans fournir plus de détails.
L’affaire surgit, alors que le foot féminin outre-Atlantique est bouleversé par les violences sexuelles «systémiques» des staffs sur de nombreuses joueuses pendant des années, mises en lumière en octobre par une enquête indépendante. Un contexte de libération de la parole et de prise de conscience salutaire. A voir aussi comment l’affaire rejaillira sur Gio Reyna lui-même, qui pourrait être une des pièces clés de l’effectif au prochain Mondial.