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France-Maroc : Azzedine Ounahi, un «petit gars simple de Casa» devenu grand

Coupe du monde 2022 au Qatardossier
Le milieu marocain de 22 ans, passé par Avranches et Angers, voit sa cote exploser au Mondial.
Azzedine Ounahi contre le Portugal, samedi. (Alberto Pizzoli/AFP)
publié le 14 décembre 2022 à 9h00

«Quand Azzedine Ounahi est arrivé [à l’été 2021], le club l’a préservé, il jouait peu. Il était filiforme [1,82m, 62 kg, ndlr], venait des divisions inférieures et n’avait pas le profil d’un joueur de Ligue 1. Malgré des fulgurances, un gros volume de jeu et une vista incroyable, il est resté irrégulier. C’est bien ce qui arrive aux Marocains en Coupe du monde, mais la réalité, c’est qu’on va pouvoir les vendre lui et Boufal au mercato d’hiver pour un bon prix, histoire de repartir sur de bonnes bases en Ligue 2, l’année prochaine.» Aussi sûrement qu’il a fait le deuil de la présence du SCO d’Angers, lanterne rouge de la Ligue 1, parmi l’élite française, Jean-Hugues Malnar, supporteur du Kop de la Butte un brin cynique, ne croit plus que les deux internationaux marocains qui enchantent le monde au Qatar vont demeurer dans le Maine-et-Loire après Noël. Au reste, on annonce déjà Ounahi à l’OM, au Torino, voir même carrément au Barça. A sa façon, Luis Enrique, le skippeur de la Roja, s’est chargé de sa promo après l’élimination des Espagnols en huitièmes de finale : «Madre mía, mais d’où sort ce gars ? Il ne s’arrête jamais.»

Passé par les équipes de jeunes du Raja Casablanca, l’international marocain (22 ans) va bifurquer à l’adolescence vers l’Académie Mohammed VI, le centre de formation du football marocain, dans les faubourgs de Rabat, d’où sont aussi sortis Youssef En-Nesyri et Nayef Aguerd. A l’occasion d’une tournée dans l’ouest de la France de ladite pépinière, le SCO d’Angers, séduit par la maestria du joueur, vient aux renseignements. Ounahi opte finalement pour le RC Strasbourg, où il ne jouera pourtant aucun match avec l’équipe A.

«Fin 2019, tout le monde était d’accord pour qu’il signe un contrat. Le Covid est arrivé et ça ne s’est pas fait. Il y avait des désaccords en interne entre le président qui était favorable et des techniciens qui se montraient hostiles à ce qu’il passe pro», se souvient l’un des formateurs strasbourgeois. Pendant quelques mois, Ismail Mouline, son agent, se débat pour lui trouver un club : ce sera à Avranches (Manche) en National, le troisième niveau français.

Une année pour rebondir

Le club de la Manche, qui lui offre un salaire maigrelet (2 000 euros mensuels) en vigueur pour cette division, récupère un joueur défait par son échec alsacien et la peur de voir son rêve de faire du foot un métier s’écrouler. «Il a été compliqué de le faire sortir de sa réserve. Il ne nous connaissait pas, ne croyait pas forcément en nous, renseigne Gilbert Guérin, le président d’Avranches. Au fil de la saison, il s’est mis à la hauteur de ce qu’il pouvait produire et on s’est vite rendu compte de ses grosses qualités.»

Il ne lui faudra qu’une année pour rebondir. Sa brillante saison en National attise les convoitises. Des clubs anglais modestes, Caen, pointent le bout de leur nez, mais c’est Angers qui décroche le gros lot pour la modique somme de 75 000 euros (plus bonus). «Azz» commence sur la pointe des pieds avant de faire sa place. Gérald Baticle, l’entraîneur du SCO, le ménage, lui octroie des plages de récupération malgré son endurance hors du commun (13 à 15 kilomètres parcourus à chaque rencontre). «Je ne suis pas un joueur qui aime le duel. J’essaye de les éviter au maximum, car quasiment tous les joueurs sont plus costauds que moi. J’essaye de jouer vite, de sortir de la densité grâce à ma prise de balle», expliquait-il à l’automne 2021, dans Ouest-France.

Depuis deux ans, Azzedine Ounahi, qui avait un peu traîné en route, grimpe les escaliers quatre à quatre. Six mois après son arrivée à Angers, Vahid Halilhodzic le convoque en sélection pour la Coupe d’Afrique des nations au Cameroun. Il ne quittera plus l’équipe. Quatorze capes et dix mois plus tard, il est en demi-finale de la Coupe du monde, en attendant mieux. «Il a bien fait de rester à Angers pour jouer et s’améliorer. Il combine de grosses aptitudes physiques avec une technique subtile, c’est rare. Il a bien digéré tout ce qui lui est arrivé depuis un an, c’est une preuve de sagesse», avance le technicien franco-bosnien.

Figure publicitaire

Comme Achraf Hakimi, le joueur du PSG, Azzedine Ounahi est devenu une figure publicitaire, pour la chaîne de stations-service Afriquia. «Il y a ta photo sur des panneaux. T’es devenu gratuit dans la mémoire des gens. Dès l’aéroport, tout le monde te reconnaît. Moi, je suis toujours le petit gars simple de Casa. Je n’ai pas oublié d’où tout est parti», disait-il au Matin, le quotidien marocain en janvier dernier. Quels que soient les résultats des deux derniers matchs des Lions de l’Atlas au Qatar, il va devoir gérer le contrecoup du Mondial. «Au début de l’année, je lui ai dit de se renforcer musculairement le haut du corps. Il doit aussi faire attention à sa tête. Ce qui lui arrive est complètement dingue», promet Vahid Halilhodzic.