Menu
Libération
Euro 2021

France-Portugal, trop libre arbitre

Euro de football 2020 (en 2021)dossier
Champions du monde et d’Europe se sont neutralisés (2-2) ce mercredi lors du dernier match de la phase de poule de l’Euro de foot qui aura été marqué par un arbitrage bancal. En huitième, les Bleus rencontreront la Suisse et la seleçao affrontera la Belgique.
Karim Benzema et Diogo Jota mercredi soir à Budapest. (BERNADETT SZABO/AFP)
publié le 23 juin 2021 à 23h38

Va pour la Nati suisse à Bucarest lundi : au terme d’une étrange partie conclue sur un nul (2-2) contre la Seleçao portugaise et que l’arbitre de la rencontre aura sagouiné dans les deux sens, les Bleus ont terminé en tête d’un groupe F qui est passé à un souffle de faire une victime de marque, la Mannschaft allemande, sauvée par un but de Leon Gorezka à quelques minutes du terme (2-2 aussi) contre des Hongrois qu’il aurait fallu voir comme des footballeurs plutôt que des patriotes instrumentalisés par leurs dirigeants. Force est de constater que Raphaël Varane et les siens, eux, ont moins souffert depuis le début de la compétition. Pour autant, le moins que l’on puisse dire est qu’il reste du chemin, même si le doublé de Karim Benzema ce mercredi le sortira de l’œil du cyclone où il était enferré depuis quelques jours.

Mercredi, le sélectionneur Didier Deschamps a ressorti l’établi. Censément à droite, Antoine Griezmann avait dézoné contre la sélection hongroise samedi, ramenant une cohorte de défenseurs magyars dans l’axe sur un Karim Benzema qui s’en serait volontiers passé tout en laissant le latéral droit, Benjamin Pavard, à une solitude qui avait conduit le Munichois à avaler plus de kilomètres pendant les quatre-vingts premières minutes que n’importe quel autre joueur tricolore. Alors : je laisse Kylian Mbappé à gauche parce qu’il ne veut plus entendre parler du flanc droit, je mets Griezmann dans l’axe où il ira quoi que je lui demande, je le recule sur le terrain parce qu’il aime défendre (et organiser, donc toucher le ballon) tout en donnant un peu d’air à Benzema, je lance Corentin Tolisso à droite parce qu’il en faut bien un pour prendre ce foutu côté droit et qu’il a le profil du plâtrier-maçon. Je multiplie par le nombre de courses à haute intensité de N’Golo Kanté, j’indexe sur le cours du forint hongrois (qui ne va pas fort), je divise par le coefficient de marée…

…et j’attends de voir. Ce que, nous, on a vu tout de suite, c’est la maîtrise portugaise. Difficile à objectiver : cette maîtrise est un sentiment, celui d’une sécurité plus grande sur chaque mouvement mais aussi sur la conduite générale du match, comme si Moutinho et consorts respiraient la partie d’une façon plus juste, plus profonde. A la 13e minute, une énorme clameur monte du sol, soulevant tout sur son passage : à Munich, les Hongrois ont ouvert le score devant les Allemands.

Main involontaire

Ça se passe donc aussi à des centaines de kilomètres de là. Les joueurs tricolores déroulent sans heurts parce qu’ils se savent qualifiés depuis deux jours et, pour tout dire, on a l’impression que les Bleus sont à contretemps, ailleurs, à côté. Hugo Lloris aussi du coup, qui met son poing dans la gueule de Danilo sur une sortie aérienne (jaune pour le gardien tricolore, ça pouvait être pire) et plonge précipitamment sur le penalty qui suit, transformé facilement par Cristiano Ronaldo (0-1, 31e). Dominés, les Bleus vont aller chercher la part du diable : Mbappé s’écroule en filou dans la surface après un contact anodin avec le bras du Portugais Nelson Semedo et l’arbitre espagnol Antonio Miguel Mateu Lahoz siffle la mazurka, comme une main tendue par-delà les Pyrénées et les frontières qui, jamais, ne devraient séparer les hommes. Benzema s’y colle (1-1, 45e + 2), la parité aux citrons.

A la limite du coup fumant, les Bleus vont carrément faire sauter la banque au retour des vestiaires. Paul Pogba lâche son premier ballon dans le timing de la soirée et Benzema, toujours lui, va gagner son face-à-face avec le gardien portugais Rui Patricio (2-1, 47e). Les Bleus n’ont rien fait de mieux que leurs adversaires mais ils sont aux commandes. Peut-être taraudé par sa conscience, Antonio Miguel Mateu Lahoz va les leur enlever des mains en sifflant une main involontaire – rappelons que l’intentionnalité est constitutive du penalty selon la loi 12 – du pauvre Jules Koundé, une première titularisation mercredi. Revoilà Cristiano Ronaldo (2-2, 60e) au péno, et l’impression tenace de voir un arbitre faire son cirque aux détriments des joueurs s’installe dans l’air brûlant (30 °C) où baigne tout ce beau monde.

Deschamps remonte alors son mécano : pas moins de trois joueurs pour se succéder au poste d’arrière gauche (Lucas Hernandez sorti à la pause, Lucas Digne blessé puis Adrien Rabiot), Kingsley Coman remplace Tolisso qui aura finalement passé son temps dans l’axe et alors qu’une forme de chaos s’installe, rythmé par un public vibrant au rythme d’un match se déroulant autre part, les Bleus reprennent le dessus, de façon imperceptible d’abord, plus nettement ensuite, comme s’ils étaient meilleurs dans le lâcher-prise ou qu’ils avaient commencé leur match en retard. Il y aura assurément des choses à éclaircir avant lundi.