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Interdiction de déplacement à Lens : Darmanin tord les libertés publiques des supporteurs de Séville, le club andalou furieux

Afin de soi-disant créer «un électrochoc», le ministre de l’Intérieur a annoncé ce dimanche vouloir interdire aux visiteurs de se rendre dans le Nord lors du match de foot Lens-Séville de mardi 12 décembre en Ligue des champions. Une décision que le Séville FC souhaite contester fermement.
Les supporteurs sévillans lors du match Séville FC - Arsenal en Ligue des champions, au stade Ramón Sánchez Pizjuán, le 24 octobre. (FRAN SANTIAGO/Getty Images via AFP)
publié le 10 décembre 2023 à 23h34

Le gouvernement ne supprime pas seulement les libertés publiques des supporteurs de foot français. Mais aussi de ceux vivant en Espagne. Ce dimanche, Gérald Darmanin a annoncé que les fans du club de football espagnol de Séville ne pourront pas se déplacer mardi 12 décembre à Lens pour un match de Ligue des champions. «Je vais interdire aux supporteurs de Séville de venir à Lens», a déclaré le ministre de l’Intérieur, lors d’une interview accordée au média en ligne Brut, alors qu’il était interrogé sur les interdictions de déplacements de supporteurs consécutives à la mort d’un fan de Nantes dans une altercation le 2 décembre avec des supporteurs niçois, pour laquelle un chauffeur de VTC a été mis en examen et incarcéré.

Ces événements «posent la question particulière du football», sport où «les supporteurs, pas tous mais une petite partie, sont les plus violents», a estimé Gérald Darmanin avant d’ajouter qu’«on n’a pas ça pour les autres sports». Et, défiant la logique, le ministre de l’Intérieur a décidé d’interdire les déplacements de tous les supporteurs espagnols, à cause de cette «petite partie». Avec un argumentaire qui présage d’une possible annulation de cette décision au tribunal administratif voire au Conseil d’Etat, comme cela se déroule régulièrement, rappellent les associations de défense de supporteurs.

La décision d’interdire a priori des supporteurs qui n’ont commis aucun délit n’est pas du goût du Séville FC. Dans un communiqué, le club andalou a protesté contre une mesure qui «porte préjudice à ses supporteurs en particulier et au football en général, avec des mesures disproportionnées qui ne semblent pas justifiées». Soulignant qu’elle n’avait reçu «aucune communication officielle ni des autorités françaises ni de l’UEFA», la direction du club a ajouté être en contact avec le gouvernement espagnol pour tenter d’obtenir la levée de cette interdiction et indiqué qu’elle allait se tourner vers l’UEFA, l’instance européenne du football.

«Interdire la circulation des supporteurs de Séville à Lens représente une violation des articles 21 du Traité sur le fonctionnement de l’UE et 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE», estime la FASFE, une association représentant les intérêts des supporteurs de foot au-delà des Pyrénées, qui en appelle elle aussi au gouvernement espagnol.

Excuses des supporteurs français

Cette interdiction concerne un match capital pour l’avenir européen des deux formations : la rencontre de cette dernière journée de la phase de groupe de la Ligue des champions permettra de déterminer qui de Lens ou Séville terminera 3e et poursuivra ainsi sa route en Ligue Europa. Ce qui n’a pas empêché le groupe ultra lensois des Red Tigers de soutenir leurs adversaires d’un soir : «Vous méprisez le football et ses supporteurs sur des bases classistes et populistes, ont-ils fustigé dans un communiqué adressé à Darmanin, et cet arrêté d’interdiction de déplacement pris à l’encontre des supporteurs sévillans sert uniquement à masquer votre incapacité à organiser et encadrer des événements sportifs», le groupe rappelant le fiasco au Stade de France lors de la finale de Ligue des champions en 2022.

Mais la décision intervient après que le gouvernement a décidé d’accélérer sur les punitions collectives, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, s’étant même déclarée mardi favorable à «un moratoire sur les déplacements de supporteurs», d’ici au 18 décembre. Elle «a pris cette position après m’avoir consulté avec le président de la Ligue [de football professionnel] pour créer un électrochoc», a tenté de justifier ce dimanche Gérald Darmanin, à moins de huit mois du coup d’envoi des Jeux olympiques à Paris. Un «électrochoc» dont les centaines de supporteurs espagnols, qui n’ont commis aucun délit et ont dépensé une certaine somme pour voir leur équipe jouer au football, se seraient bien passé. Sur X, l’Association nationale des supporteurs française a en tout cas apporté son soutien aux fans espagnols : «Chers amis de Séville, nous nous excusons au nom du football français.»