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Coupe du monde 2022 : Ivan Perisic, astre intermittent d’une Croatie conquérante

Coupe du monde 2022 au Qatardossier
L’attaquant brille tous les deux ans, lorsque son pays participe à l’Euro ou à la Coupe du monde, avant de retomber dans un relatif anonymat. La demi-finale face à l’Argentine ce mardi est une nouvelle occasion pour lui de répondre présent au moment fatidique.
Ivan Perisic après avoir marqué un but face au Japon, à Doha le 5 décembre. (Anne-Christine Poujoulat /AFP)
publié le 13 décembre 2022 à 7h56

Tel un phénomène astronomique récurrent, Ivan Perisic réapparaît à la face du monde tous les deux ans, les années paires, de préférence en été. Quand l’Euro est décalé d’un an, Covid oblige, ou que la Coupe du monde se déroule en hiver comme au Qatar, l’attaquant de l’équipe nationale croate empile les buts comme à l’accoutumée, au point d’en devenir le meilleur buteur de son pays en grands tournois. «Ses coéquipiers disent souvent qu’ils attendent Perisic et le plus incroyable, c’est qu’il répond toujours présent. Il n’inscrit que des buts décisifs ou presque. Quand les choses se présentent mal et que tout le monde dans l’équipe commence à douter, le diable sort de sa boîte et débloque la situation», rapportait Zlatko Dalic, le sélectionneur de la Croatie au début de la compétition.

Depuis le Mondial brésilien 2014, l’ancien joueur de Dortmund et de l’Inter Milan marque et offre des passes décisives à chaque fois, ce qui n’a pas l’air de l’émouvoir. «Je ne suis pas intéressé par les records ; la seule chose qui importe, c’est que la Croatie l’emporte. Si j’étais préoccupé par mes stats, je ne me dépouillerais pas pour l’équipe», disait le trentenaire en conférence de presse, peu après son égalisation contre le Japon en huitième de finale. Depuis, la Croatie a éliminé le Brésil et jouera ce mardi soir pour dégommer l’Argentine, en demi-finale.

«Comme il était pressé, il n’a plus voulu attendre son tour»

Le reste du temps, en club, Perisic s’en tient à une relative discrétion, difficilement lisible eu égard à son talent létal. Sa carrière a connu bien des détours (France, Belgique, Allemagne) avant de décoller en signant à l’Inter Milan, en 2015. A 17 ans, à l’été 2006, la jeune étoile de l’Hajduk Split, qui évolue déjà chez les seniors, est courtisée par quelques échoppes européennes de renom (Anderlecht, Hambourg, Ajax) mais son père, Ante, l’envoie à Sochaux-Montbéliard afin de sauver sa ferme avicole qui menace de péricliter. Le futur international croate s’exile dans le Doubs avec sa mère et sa sœur tandis que le paternel reste pour s’occuper de ses poulets. Le mariage n’y résistera pas et Perisic, malgré d’évidentes aptitudes techniques, ne jouera jamais dans l’équipe première française. «C’était un garçon bien éduqué. Comme tous les joueurs pétris de talent, il défiait un peu l’autorité. Comme il était pressé, il n’a plus voulu attendre son tour», se rappelle Eric Hély, un ancien formateur sochalien.

Après deux saisons dans l’Est de la France, Perisic met le cap sur la Belgique, au KSV Roulers, pour un prêt de six mois, puis signe au FC Bruges. Une paire d’années plus tard, il est sacré meilleur joueur et buteur du championnat de Belgique. La suite de son histoire s’écrit en Allemagne (Dortmund, Wolfsburg) où il peine à exploser. «Ce sont sans doute ses performances avec les Vatreni [le surnom de l’équipe nationale, ndlr] qui lui ont permis de franchir un cap. Quand il était à Dortmund, il avait Jurgen Klopp comme entraîneur, mais n’a pas su en profiter. Il n’était pas prêt. Tout n’était qu’une affaire de confiance. Il était très mature très jeune, ouvert, attachant et son parcours lui a forgé un sacré caractère. Au final, il est devenu un guerrier que tu préfères avoir avec toi», s’emballe Miroslav Blazevic, l’ancien sélectionneur croate (1994-2000).

«Il aurait pu être un décathlonien incroyable»

Parfaitement ambidextre, le «Dalmatien aux taches rouges», rapport au maillot à damier de son pays, s’est initié très jeune au basket à Split, la ville de deux figures locales devenues des stars de la NBA américaine, Toni Kukoc et Drazen Petrovic. Plus récemment, il a mis les gants contre un champion de kickboxing (Luka Tomic) et s’est même initié en 2017 à une manche de Coupe du monde de beach-volley dans le dos de son club d’alors, l’Inter Milan. «Il possède une grosse détente et un bon sens du timing, analyse Blazevic. Il aurait pu être un décathlonien incroyable. Au Mondial 2018, c’est le joueur qui a le plus couru. Il a d’abord été utilisé sur tout le front de l’attaque au début de sa carrière, il s’est ensuite mué en piston sous Antonio Conte, en Italie. Vous pouvez le faire jouer à cinq positions différentes. C’est assez unique.»

Cette semaine à Doha, la Croatie pourrait atteindre une deuxième finale d’affilée, possiblement contre le même adversaire, la France. Une perspective quelque peu spatiale pour un pays de moins de quatre millions d’habitants. «Nous avons prouvé lors des derniers tournois que nous ne paniquons jamais. C’est dans notre caractère de toujours continuer à nous battre, même quand on est derrière. Ce qui fait qu’il est toujours difficile de jouer contre nous, livrait-il à la Meuse, le journal belge, la semaine dernière, sans se démonter. Evidemment, ce n’est plus la même équipe que celle qui est devenue vice-championne du monde. Par conséquent, nous avons eu du mal au début. Des jeunes comme Gvardiol apportent un réel plus. C’est cela qui me fait penser que nous sommes encore meilleurs aujourd’hui qu’il y a quatre ans