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Jürgen Klopp quitte le Liverpool FC : «Je ne veux pas attendre d’être trop vieux pour vivre une vie normale»

«A court d’énergie», l’entraîneur allemand a annoncé ce vendredi 26 janvier qu’il se retirerait à la fin de la saison, après neuf ans sur les bords de la Mersey et une victoire en Ligue des champions.
Jürgen Klopp après le match Liverpool-West Ham, le 20 décembre. (Oli Scarff/AFP)
publié le 26 janvier 2024 à 16h17

La fin d’une époque. Ce vendredi 26 janvier, l’entraîneur allemand Jürgen Klopp a fermé une porte en douceur, celle qu’il avait ouverte en octobre 2015 quand il avait pris en main les destinées du Liverpool FC, un club qu’il a ressuscité bien au-delà des lignes de palmarès. Tout en maîtrise et pour cause, l’annonce n’a pas été faite devant un parterre de journalistes convoqués pour une conférence de presse impromptue, mais sur le site Internet du club, à travers une longue interview (vingt-cinq minutes) du natif de Stuttgart.

La raison invoquée : la lassitude mentale, ce qui semble indiquer – encore que dans le foot, les vérités sont toujours relatives – qu’il ne repiquera pas au truc ailleurs avant un break plus ou moins long. «Je m’en vais car je suis, comment dire, à court d’énergie. J’ai compris au fil du temps que je n’étais plus aussi impliqué. Quand nous étions assis ensemble et que nous parlions de l’avenir, du prochain stage d’été, des recrutements potentiels, l’idée m’est venue de ne plus être sûr d’être ici. Ce qui m’a surpris moi-même. […] Le club est dans de bonnes mains, le futur est brillant. Mais je devais la vérité au club et à mes adjoints, pour qu’ils aient le temps de se retourner.» Puis : «Je suis un mec normal. Mais je n’ai pas une vie normale depuis bien trop longtemps à mon goût. Et je ne veux pas attendre d’être trop vieux pour vivre une vie normale. Je veux aussi me laisser une chance de vivre cette vie-là. C’est le bon moment pour moi et aussi le bon moment pour le club, rapport à mon implication moindre.»

Une forme de simplicité mais d’unité

La suite, un plaidoyer vibrant («j’ai vécu un conte de fées») pour ce club qu’il aura incarné comme peu, dans une sorte de mélange entre sa personnalité vibrante en prise avec les fans et un style de jeu qui popularisera un mot, le «gegenpressing», cette agression de l’équipe adverse au moment où celle-ci vient de récupérer le ballon – le FC Barcelone de Pep Guardiola avait théorisé cette phase de jeu bien avant lui mais il fallait entendre qu’en allemand, tout de suite, ça sonne mieux. Klopp pouvait débattre avec un supporteur d’Everton (l’autre club de la ville, honni des fans de Liverpool) alors même qu’il était en train de faire son plein au milieu de la nuit dans une station-service comme il pouvait reprendre un journaliste en pleine conférence de presse pour relativiser l’importance du football en pleine pandémie de Covid, ressuscitant une forme de simplicité, mais surtout d’unité, du somment de la pyramide (lui) à la base (les supporteurs), qui contredisait l’époque.

Le style était à l’avenant – engagé, sauvage, évoquant les temps bénis (fin des années 70 et début des années 80) où Kenny Dalglish, Graeme Souness et consorts développaient un jeu bestial, agressif, ne laissant pas un centimètre carré de terrain dans l’ombre. Trois finales de Ligue des champions (une gagnée en 2019, deux perdues contre le Real Madrid de Karim Benzema en 2018 et 2022) ont pavé ce qu’il faut bien appeler un état de grâce, Liverpool brisant aussi en 2020 l’éternelle hégémonie domestique de Manchester City en remportant un titre que les Reds attendaient depuis trente ans.

D’immenses talents de diplomate

Le déclin de l’équipe après 2022 a épousé celui du trio offensif des grandes années, formé du Brésilien Roberto Firmino, du Sénégalais Sadio Mané et (surtout) de l’Egyptien Mohamed Salah, trois immenses joueurs que Klopp aura réussi à faire courir comme s’il s’agissait d’attaquants de quatrième division tout en maintenant la concorde entre les deux derniers nommés, démontrant ainsi d’immenses talents de diplomate. «Si vous me demandez si je vais à nouveau entraîner une équipe, là, tout de suite, je vous dis non, explique-t-il dans la vidéo du club. En tout cas, je n’entraînerai plus jamais un autre club anglais que Liverpool. Ça, je peux l’affirmer à 100 %. Je ne pourrais même pas y songer une seconde.» Raison de plus pour entretenir et chérir les souvenirs qu’il a laissés sur les bords de la Mersey.