On appelle ça la mithridatisation, soit l’accoutumance à un poison cultivée en injectant des petites doses dans l’organisme à intervalle régulier. Au lendemain de la victoire (2-0) en 8e de finale aller de la Ligue des champions obtenue grâce à son ouverture du score (à ce stade, tous les détails comptent), Kylian Mbappé a, selon l’AFP qui cite une source proche du club de la capitale, averti le Paris-SG qu’il ne prolongera pas son bail au-delà de la saison en cours et qu’il partira ainsi libre (pour zéro euro) en juin prochain. L’annonce aurait été faite ce mardi au centre d’entraînement de Poissy (Yvelines). Mbappé n’a pas communiqué sa destination mais elle ne fait guère de doute : c’est au Real Madrid que le capitaine des Bleus ira poser ses valises.

Selon nos informations, rien n’est cependant signé entre les deux parties à ce stade. Le joueur communiquera là-dessus ultérieurement : jamais deux pas à la fois, conformément à la ligne de conduite que le joueur a adoptée en début de saison. L’attaquant tricolore a tiré pas mal de leçons des psychodrames déclenchés par sa situation contractuelle depuis l’été 2021, quand il avait exprimé pour la première fois aux dirigeants parisiens ses velléités de départ. Les critiques des supporteurs, alimentées sur les réseaux sociaux par des «fermes à troll» à la solde de certains dirigeants parisiens, ont été entendues.

Tout comme la violente réaction et les menaces du président du PSG, Nasser al-Khelaïfi, l’été dernier, menaçant le joueur d’une saison blanche s’il refusait de prolonger au club au-delà de juin 2024, conduisant selon La Chaîne l’Equipe le père du joueur à envisager une série de matchs amicaux pour que son fiston garde le rythme afin d’évoluer (à peu près) à son niveau avec les Bleus.

Dès lors, le clan du joueur a décidé de ne brusquer personne, ou le moins possible. Des gages de bonne conduite (soit l’abandon de tout ou partie des primes de fidélité contractualisées au printemps 2022, 80 millions d’euros devant censément lui être versés en deux tranches) donnés à ses interlocuteurs au club, pas un mot plus haut que l’autre en public, la possibilité de prolonger au Paris-SG systématiquement ménagée dans la communication du joueur (alors qu’on imagine sa décision de partir remonter à loin) et des proches silencieux sur le sujet, même en off. Pour autant, Mbappé aura installé l’idée d’un départ quand même.

L’entretien accordé à Amazon début janvier, qui voit le joueur revisiter ses buts les plus marquants avec le PSG, avait ainsi installé un feeling rétrospectif, comme si l’heure du bilan avait sonné. Son silence sur sa situation en club lors des raouts médiatiques des Bleus aura aussi, l’air de rien, installé une distance. Tout comme le virage à 180° de la communication du Paris-SG en juin dernier, vantant un projet plus collectif et plus jeune, «moins bling-bling» (al-Khelaïfi) : ayant vendu l’idée d’une équipe plus collective et plus forte sans Lionel Messi en juin, les dirigeants ont donné corps au fantasme d’une formation pouvant se passer de son attaquant international, qui plane pourtant sur les compétitions domestiques (24 buts en 26 matchs) comme jamais. Si l’officialisation du départ de Mbappé ne peut pas être un non-événement, on s’en rapproche un peu quand même puisque tout le monde a compris et digéré l’idée d’un départ. «Les conditions du départ doivent être encore pleinement convenues», explique la source citée par l’AFP.

Laquelle ajoute que les deux parties communiqueront officiellement «quand tout sera finalisé dans les prochains mois». Deux choses à comprendre. La première : Mbappé pouvant contractuellement partir libre, le club parisien va encore essayer de lui tordre le bras pour récupérer quelque chose, une pure affaire d’ego et de communication. La seconde : il reste une étape, cette fameuse «finalisation» donnant lieu à une communication officielle, avant l’annonce du départ de la superstar tricolore à Madrid. Un pas après l’autre.