On va bien finir par trouver un drapeau tricolore. Alors que les Bleues affrontaient les Lionnes de l’Atlas à 20 heures (13 heures en France) à Adélaïde, on déambule pour croiser des supporters français prêts à braver les huitièmes sur Federation Square, la place emblématique de Melbourne où le match de huitième est diffusé sur écran géant.
Plus tôt dans la journée, un gérant de café français admettait qu’il sortira dans un bar… mais pour regarder du rugby. En matière de football, il reconnaît : «Je ne regarde pas vraiment les femmes.» Surprenant ? Les associations françaises n’ont pas franchement battu le rappel ni organisé des événements autour du tournoi. Le Tour de France a plus de succès. Idem pour la représentation diplomatique dont les posts se contentent de souhaiter bonne chance à l’équipe nationale. Pour les hommes au Qatar, l’ambiance était plus survoltée.
Olivier Clément, président de l’Association des Français du sud de Sydney, tente une explication. «Nous sommes peu et disséminés. Mais ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas derrière nos joueuses.» Il a organisé une soirée dans un bar avant France-Jamaïque avec déco spéciale et reggae. Et il a fait le voyage jusqu’à Brisbane. Ce mardi soir, il était de nouveau dans un pub avec des amis et assure : «Quand la France sera en quart, ça va prendre une autre dimension ! Surtout qu’on se retrouvera à jouer contre les Matildas.» Quant au jeu féminin, il trouve qu’il a progressé. Il ose ajouter, dans un sourire : «Au moins quand elles tombent, c’est pour les bonnes raisons. Elles ne font pas semblant d’être à l’article de la mort.»
Place clairsemée
Prof de français à Melbourne et féru de foot, Bruno Bouery passera la soirée avec ses filles. Il abonde : «Je trouve les joueuses rafraîchissantes et elles ont un très bon esprit, surtout les Japonaises qui s’enquièrent de l’état de santé de leurs adversaires.»
Hana Assafiri a créé l’institution culinaire «Moroccan Soup Bar» à Melbourne. Elle n’a rien prévu, à part être devant son téléviseur. Enthousiaste, elle lance : «Ca m’est égal si la France ou le Maroc gagne. Pour moi, ce sont les femmes les grandes gagnantes ! Vous avez vu l’engouement ici ?»
Sur Fédération Square, l’écran est habillé aux couleurs de l’événement. La place est clairsemée, surtout occupée par des supporters marocains installés sur des poufs ou des transats. Jude, 18 ans, est venue en famille. Souriante avec son voile, elle affirme : «J’aime le foot féminin.» Elle roule pour le Maroc. Elle a certes de la famille en France, mais les liens sont lointains. Pas comme pour Karim, expatrié franco-marocain, supporteur de l’OM. Il est plus partagé, même s’il aimerait que le royaume chérifien gagne : «Ce serait moins routinier.» Ses prédictions ? «2-0, le même résultat que chez les hommes lors du dernier match entre les deux nations.» Il y a finalement un drapeau tricolore qui apparaît, et même un bonnet, une écharpe.
«Il n’y a pas trop d’ambiance»
Le coup de sifflet résonne. Premier but, applaudissements. Au troisième, des gémissements de désespoir se font entendre. Le commentateur répète : «Les Bleues sont partout.» Insistant sur les offensives répétées des joueuses à la première mi-temps. «Elles sont sans merci, ce n’est qu’un match parmi d’autres sur leur chemin vers la finale.» Des supporters colombiens passent, hurlant leur joie, leur équipe s’est qualifiée pour les quarts quelques minutes plus tôt.
A la mi-temps, premier bilan. Manon, 22 ans, a organisé la sortie avec une poignée des Français rencontrés en auberge de jeunesse. Elle soutient «les femmes dans le foot, les deux ensemble». Un comparse pointe que le public est surtout masculin : «C’est quand même bizarre.» Et puis il y a un peu d’ennui, surtout de Mathieu avec son drapeau : «Le match est déséquilibré et il n’y pas trop d’ambiance.»
Moustafa, 28 ans, philosophe : «Je donne rendez-vous aux Marocaines dans quatre ans, et puis, certaines joueuses auront peut-être eu la chance d’être repérées par de grands clubs.» Il admet enfin admirer Hervé Renard, ancien entraîneur de l’équipe nationale marocaine. «Il a fait un pari en misant sur les Bleues, et il pourrait bien le gagner.» C’est bien parti pour !