Les Bleus tenaient à les remercier. Les fans tricolores voulaient eux aussi leur dire merci. Un couac dans la com entre la ministre des Sports, la FFF et son président Noël Le Graët a laissé poindre un doute – vite levé – sur la venue des joueurs place de la Concorde à Paris, sitôt leur avion atterri à Roissy. Le message a été bien reçu malgré tout : il y avait du monde au bas du balcon du Crillon dans cette soirée tiède de décembre, au lendemain de la défaite de l’équipe de France en finale du Mondial qatari, pour célébrer le parcours des joueurs de Didier Deschamps, passés à deux tirs au but de l’histoire.
Des mines encore marquées
Dès 18 h 30, les lieux avaient été investis par des dizaines de supporters de l’équipe de France. «C’était important de venir pour leur donner de la force», estime Yanis. «Ils nous ont fait rêver», poursuit celui qui jure avoir eu «du mal à dormir hier soir». Ce comptable de 35 ans, suiveur assidu des Bleus depuis 1998, n’a «pas arrêté de repenser à [la reprise de volée de] Kolo Muani», dans les tout derniers instants de la partie.
Emmitouflée dans son drapeau bleu-blanc-rouge, Alexine, 24 ans, «donnerait tout pour revivre toutes les émotions d’hier [dimanche]». Cette étudiante en M2 direction artistique a débattu de la finale toute la journée. Ce soir, elle vient «les féliciter parce qu’on est super fiers d’eux». Autour d’elle, quelques sourires quand même, des mines encore marquées par la finale dantesque de la veille, aussi. Et ce triptyque drapeaux-écharpes-maillots tricolores de circonstance. Les Marseillaises font écho au son de Freed from Desire repris par la foule. Les «lalalalala lalalalalalala» devenus l’hymne tricolore de cette coupe.
Là, un groupe de jeunes ressasse le scénario du match, agrémenté de «si» dont chacun espère si fort qu’ils eussent été réels. Ici, deux dames au téléphone pour savoir «à quelle fenêtre» les Bleus vont bien pouvoir apparaître. Au sol, quelques rares fanions ciel et blanc. Vingt-quatre heures plus tôt, pour célébrer la troisième étoile de l’Argentine, les supporters de l’Albiceleste résidant dans la capitale s’étaient donné rendez-vous sur cette même place, sous l’obélisque qui leur rappelle la célèbre Plaza de Mayo de Buenos Aires, où les scènes de liesse se poursuivaient encore lundi.
«C’est quand même mieux les Champs»
Peu à peu, la foule tricolore s’amasse devant le balcon de l’hôtel du Crillon, vers lequel tous les yeux sont rivés. C’est là, déjà, que les Bleus avaient tenu à remercier le public français après la défaite en finale lors du Mondial 2006. Celles et ceux qui s’y trouvaient n’ont pas oublié la main levée et les sanglots de David Trézéguet, auteur du tir au but raté contre l’Italie, comme paralysé sur le balcon du Crillon, consolé par Thierry Henry. Milo, Nicolas et Titouan, eux, n’étaient pas nés en 2006. Mais le trio âgé de 15 ans est sûr d’une chose pour cette finale : «C’est mieux d’avoir sauvé l’honneur et qu’on parte aux tirs au but qu’à 2-0», résume Milo, K-way Northface et drapeau français autour de la taille. Ils sont là «pour l’ambiance», «voir les joueurs». Ils se demandent «comment les joueurs vont célébrer». Et espèrent surtout que «ce ne soit pas trop triste».
21 h 38. Les Bleus se montrent enfin, acclamés comme il se doit. Dans la nuit et la fumée des fumigènes, difficile de distinguer les visages. Seulement des signes de main. «On voit pas grand chose», glisse Lakdar, 47 ans, Lillois de passage dans la capitale avec ses deux filles, au milieu de feux d’artifice improvisés. «Mais bon, l’important c’est d’être unis et solidaires.» «Ah il y a Grizou ! Et Giroud qui fait coucou !», s’exclame une femme derrière ses jumelles, ses amies tentant tant bien que mal de suivre la scène. La communion a duré une vingtaine de minutes, rythmées par les clappings et les «Merci Didier», avant que les gens se dispersent. Un jeune conclut tout de même, en partant : «C’est quand même mieux [sur] les Champs.»