Belle semaine italienne pour les tricolores : trois jours après avoir renversé la sélection belge, les Bleus ont battu (2-1) dimanche au stade San Siro de Milan en finale de la Ligue des nations une grosse équipe espagnole, peu servie par les circonstances il est vrai, entre une main non sifflée du défenseur français Jules Koundé en pleine surface (32e) et un arbitrage vidéo validant un but hors jeu de Kylian Mbappé au bout du match. Cependant, les Bleus se sont accrochés aux branches et le barycentre offensif s’est un peu plus rapproché du binôme Benzema-Mbappé, buteurs tous les deux quand Antoine Griezmann bouclait une centième sélection bien neutre.
Comme prévu, les deux équipes sont parties sur des problématiques à la fois personnelles et claires. Les joueurs espagnols sont maîtres ès conservation du ballon ; la prime à une qualité technique et à un jeu de passes supérieurs à ceux des adversaires – les Bleus comme les autres. Les tricolores étaient là pour couper les lignes de passes adverses et ralentir ainsi le jeu : un Espagnol qui garde le ballon faute de solution devient alors une cible, la supériorité physique d’Aurélien Tchouaméni (1,87m), Benjamin Pavard (1,86m) ou Paul Pogba (1,91m) sur les petits gabarits espagnols leur donnant dès lors un avantage dans le duel.
C’est donc une sorte de «cours après-moi Shérif» que Sergio Busquets, Ferran Torres et consorts lancent à chaque fois à la cantonade, le corollaire étant des séquences de possession du ballon interminables pour fatiguer et entamer la concentration des grands d’en face. La Roja réussissant à sortir des duels d’autant plus facilement que leurs adversaires ne sont pas allés les chercher bien longtemps, elle a le ballon sans discontinuer. Après, on miserait bien son PEL sur le fait que les Bleus avaient été briefés, re-briefés et re-re-briefés sur la façon dont le match allait se dérouler.
Le match explose d’un coup
Partant, ils ne se sont ni énervés, ni découverts : 0-0 aux citrons, les Espagnols lancés vers les 600 passes (296 à la pause), pas une occasion de but, un seul tir cadré (tout mou). Dans le contexte, le carton jaune reçu par Paul Pogba pour une grosse semelle (46e) et la ronflée du Mancunien dans la foulée sur un Pavard trop passif prennent un certain relief, c’est dire. Le match va exploser d’un coup : Théo Hernandez allume la barre sur un contre tricolore, signe que les Espagnols ouvrent (enfin) le jeu (un peu). Grisés, les Bleus oublient Mikel Oyarzabal dans le dos de leur défense – Jules Koundé couvre un éventuel hors-jeu, Dayot Upamecano mangé au duel – et la Roja prend les commandes (1-0, 64e).
Dans un contexte aussi fermé, c’est fatal. Sauf pour les Bleus, qui se sortent magnifiquement du pressing adverse à 60 mètres de leur but côté droit pour mettre Karim Benzema en un contre un devant Cesar Azpilicueta sur le côté gauche (dans le foot, quand ça commence d’un côté, ça doit finir de l’autre) : ballon enroulé pied droit du Madrilène et lucarne (1-1, 66e). Un classique : plus d’une heure pour construire un avantage, quelques secondes pour le perdre dans la foulée parce que quelque chose s’est déconnectée avec le but tant attendu. Dans l’histoire, le momentum, comme disent les Anglais, a basculé du côté tricolore. Et ce momentum fait des miracles. Echappant pour une fois à la surveillance du défenseur Eric Garcia d’autant plus facilement qu’il est hors jeu au départ de la passe de Théo Hernandez (passe touchée par le défenseur espagnol), Kylian Mbappé mystifie le gardien adverse d’un passement de jambes et d’une frappe du gauche (2-1, 80e).
Grands coups de chausson
Censément efficace sur les hors-jeux de ligne, le VAR confirme le but, au grand dam des Espagnols, qui ont flairé le truc. Il ne peut plus rien arriver aux Bleus. Ça tient donc comme ça tient, avec Hugo Lloris à la parade (88e, 94e), des défenseurs qui se jettent partout et des grands coups de chausson pour envoyer le ballon au loin. La quille du style ? Qu’importe : là comme ailleurs, le football de sélection tricolore est une affaire de joueurs. «On a montré une force de caractère, a estimé Benzema au micro de M6 après la partie. C’est le signe des grandes équipes. On a patienté, on n’a rien lâché. Le foot, c’est comme ça.»