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Analyse

Ligue des champions : Lille au paradis des huitièmes, les autres clubs français en ordre dispersé

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Derrière des Lillois brillants qui ont atomisé le Feyenoord Rotterdam (6-1), le PSG, Brest et Monaco ont réussi à intégrer le top 24 européen, se qualifiant pour les phases finales de la plus grande compétition européenne.
Le gardien lillois Lucas Chevalier face au Feyenoord Rotterdam (victoire 6-1 du Losc) mercredi 29 janvier 2025. (Sameer Al-Doumy/AFP)
publié le 29 janvier 2025 à 23h14

Trois ans après s’être extirpés du premier tour de poule de Ligue des champions, les Lillois ont remis ça : ils disputeront à nouveau un huitième de finale de Ligue des champions cet hiver, exploit XXL sur la longueur puisque ce coup-ci, ce sont huit matchs (et les deux équipes de Madrid, battues par les Nordistes) qu’il a fallu dévaler. De quoi rhabiller un bilan tricolore en clair-obscur, l’AS Monaco et le Stade brestois n’ayant du propre aveu des joueurs pas fait le poids mercredi, contre une grosse adversité il est vrai. Présentant un duel franco-français (le Paris-SG affrontera le Stade brestois ou Monaco), les barrages se dérouleront les 11 et 12 février (matchs allers) puis les 18 et 19 février (matchs retours).

Les Lillois sur leur orbite (7e, 16 points)

Lille OSC – Feyenoord Rotterdam : 6-1

«Je ne sais pas si vous vous rendez compte.» Dans un couloir du stade Pierre-Mauroy, quelques minutes après une rencontre qui aura vu son équipe démolir un Feyenoord qui tartinait pourtant le Bayern Munich (3-0) une semaine plus tôt, Lucas Chevalier cherchait ses mots. Et ce n’est pourtant pas son genre. Pour cette rencontre, l’entraîneur nordiste Bruno Genesio avait laissé sur le banc son meilleur attaquant et de loin, Jonathan David, et un Hakon Haraldsson en pleine bourre depuis quelques semaines. Quand ils sont rentrés à la 63e minute, le Losc menait déjà 3-1 parce que le remplaçant de l’Islandais sur l’aile gauche, Osame Sahraoui, faisait le match de sa vie. Et ces deux-là ont fait exploser la formation néerlandaise dans la dernière demi-heure.

D’où l’impression que Genesio peut faire tout et le contraire de tout en mettant systématiquement dans le mille, le public lui réservant à la fin de la rencontre une ovation rarissime pour un entraîneur dans le contexte d’un soir de match. «C’était un instantané, a soufflé le coach lillois après-coup. C’est assez rare que je m’extériorise autant mais j’ai beaucoup aimé ce moment. C’est toujours une reconnaissance [de son travail]. Mais c’est tout le monde qui participe à ce genre d’aventure humaine. La clé de nos succès en Ligue des champions a été multiple. L’esprit de groupe, la considération des uns envers les autres… la discipline tactique aussi, avec un groupe de joueurs qui applique à la lettre ce qu’on lui demande la plupart du temps. Ce groupe est également très bien préparé athlétiquement [ce qui saute aux yeux, ndlr]. On a aussi un peu de réussite de temps en temps. Il en faut dans le foot de haut niveau.»

Après le match, dans le vestiaire, Genesio a fait bref, de son propre aveu : «J’ai salué ceux qui ont joué, mais aussi tous les absents. Ils se rendront compte de ce qu’ils ont réalisé après leur carrière.» Manière, quand même, de voir dans ce qui a été fait une sorte d’accomplissement. On sent cependant confusément que ce que tiennent les Lillois peut les emmener plus loin encore. Le FC Bruges, le Sporting de Lisbonne, un Borussia Dortmund qui avait atteint la finale de la compétition l’an passé ou une Atalanta de Bergame surfant depuis une saison sur une dynamique exceptionnelle seront au menu des Nordistes en huitième.

Le Paris-SG trouve sa vitesse de croisière (15e, 13 points)

VFB Stuttgart – Paris-SG : 1-4

«Ah oui, on prend Brest ou Monaco en barrage, c’est ce que j’ai entendu.» Une bonne heure après la large victoire de son équipe à Stuttgart, juste avant de remonter dans le bus stationné à quelques dizaines de mètres, l’attaquant parisien Désiré Doué n’en faisait pas toute une affaire : une petite virée hexagonale en guise d’apéro et à eux la grande vie sur le front européen. «On est efficace en ce moment, on trouve des automatismes entre nous, il y a vraiment de bonnes choses qui sont faites, a énuméré Doué. Ça fonctionne. On est très satisfait, on joue comme on sait le faire. A la fois avec sérieux [dans la discipline tactique] et en mettant de l’intensité.» Le Paris-SG était le seul club français à jouer sa survie dans la compétition mercredi, le prix à payer pour un début complètement raté.

Il aura mis le quatrième de Bundesliga au supplice, confisquant le ballon quand il le voulait, étirant la défense adverse sur la largeur à l’envi, martyrisant des joueurs allemands qui ont assez vite donné l’impression qu’ils souhaitaient surtout que ça s’arrête. Agitateur incomparable dans le jeu, Ousmane Dembélé a de surcroît mis trois des quatre pions, réglant à lui seul les problèmes d’efficacité d’une équipe qui aura tout de même inscrit onze buts lors de ses trois derniers rendez-vous européens. Profitant du moment, l’entraîneur parisien, Luis Enrique, a revisité à son avantage les prestations des siens sur le front européen : «Notre équipe a été extrêmement régulière. Nous avons eu beaucoup d’occasions même si, c’est vrai, nous avons peu concrétisé. Mais l’équipe a toujours présenté de l’ambition, de la personnalité, et elle a bien défendu.» Il n’y avait pas plus de personnalité à Munich (0-1, le 26 novembre), Londres (0-2 à Arsenal le 1er octobre) ou au Parc des Princes contre l’Atlético Madrid (1-2, le 6 novembre) qu’il n’y a de beurre en branche mais l’entraîneur espagnol aurait tort de se priver. Quand on gagne, on raconte ce qu’on veut.

Les Monégasques en souffrance (17e, 13 points)

Inter Milan – AS Monaco : 3-0

La rencontre aura duré douze minutes, le temps de concéder un penalty largement évitable (on compile trois erreurs défensives monégasques sur l’action) et de voir le jeune (19 ans) Christian Mawissa se faire expulser après avoir tergiversé devant l’international tricolore et attaquant de l’Inter Marcus Thuram. «Le match était fini avec l’expulsion de Mawissa, a reconnu l’entraîneur monégasque, Adi Hütter. Nous n’étions pas assez forts.» Trois défaites lors des quatre derniers matchs en Ligue des champions, dont deux cartons (0-3) à Milan et à Londres contre Arsenal : le souffle de l’équipe de la Principauté se fait court.

Et si Hütter a mis en avant le fait que l’ASM a rencontré la moitié des équipes ayant fini dans le top 8 (FC Barcelone, Arsenal, Aston Villa et Inter), les matchs racontent des erreurs récurrentes qui n’ont aucune chance de passer à ce niveau, le Benfica Lisbonne ou le Paris-SG attendant Breel Embolo et consorts en 16e de finale dans deux semaines. «Chacun ressent la pression différemment, a expliqué l’attaquant suisse, auquel on a une fois de plus soumis l’hypothèse d’une équipe jeune inhibée à ces altitudes. Nous, les joueurs expérimentés essayons de prendre les devants et de parler avec les jeunes. Mais ce qui s’est passé [à Milan] est normal au vu du contexte, c’est un stade magnifique avec beaucoup de public.» L’essentiel avait été fait, au forceps, la semaine dernière devant Aston Villa (1-0). Mais il va falloir que les Monégasques mettent (ou remettent) la main sur quelque chose d’ici à leur barrage.

Les Brestois fatalistes (18e, 13 points)

Stade Brestois – Real Madrid : 0-3

Léger tiraillement en amont du match perdu des Bretons à Guingamp contre le Real Madrid : interrogé par le quotidien Marca, le coach brestois, Eric Roy, a ouvert la porte à son départ du Stade brestois, sur le mode «tout est possible». Ni le moment ni le lieu (dans les colonnes d’un journal espagnol, Roy s’ouvrant ainsi le marché de la Liga) et peut-être une forme de lassitude qui, du reste, se voit aussi sur le terrain.

Les Brestois ont secoué les champions d’Europe en titre comme prévu mais ils n’étaient pas de taille à faire plus. «Il y avait plus de talent en face, il faut le reconnaître», a expliqué le coach des Pirates. Avant de situer très précisément son équipe dans le paysage, manière aussi de lui reconnaître de la constance et du sérieux : «Il y a de la satisfaction concernant notre parcours dans cette compétition. On perd trois matchs contre deux équipes du chapeau 1 [le Real et le FC Barcelone, 0-3 les deux fois] et une du chapeau 2 [le Chakthar Donetsk] et on a maximisé le reste de nos matchs. Donc, faire 13 points dans cette nouvelle formule de la Coupe d’Europe me va très bien. C’est une très bonne première phase. Maintenant, il nous reste beaucoup de choses à accomplir pour aller gagner cette Ligue des champions.» Lâché avec le sourire bien sûr.

Le milieu Pierre Lees-Melou, lui, s’est assombri quand la perspective de prendre le Paris-SG en barrage (le Benfica Lisbonne est l’autre option) lui a été présentée : «Ce serait dommage. Ça va, on les joue assez en Ligue 1…» En filigrane, on croit deviner que ceux-là, tant qu’à tomber, préféreraient le faire dans un contexte où flotte un parfum exotique plutôt que contre un Paris-SG qui les tape deux fois par saison de Ligue 1 en confisquant le ballon 70 % du temps et en faisant valoir la force inexorable de l’habitude. C’est peut-être une ruse des Brestois pour mieux surprendre. Disons qu’on l’espère.