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Libération
Billet

Luis Enrique, coach du PSG, a le droit d’être désagréable et de nous épargner des banalités de tactique pour les nuls

L’entraîneur espagnol est éreinté sur les réseaux sociaux pour avoir rétorqué à une journaliste de Canal + qu’il n’avait pas l’intention d’expliquer sa tactique lors de la défaite du club de la capitale face à Arsenal, ce mardi soir.
Luis Enrique le 18 septembre. (Christophe Ena/AP)
publié le 2 octobre 2024 à 13h02

«Je n’ai aucune intention d’expliquer ma tactique, parce que vous ne la comprendriez pas.» Quelques minutes après la défaite du Paris-SG sur la pelouse d’Arsenal (0-2) mardi 1er octobre, le coach espagnol des champions de France en titre, Luis Enrique, a expédié ainsi une consœur de Canal +, qui s’était épanchée précédemment sur «la rigidité» et «l’absence de dépassement de fonction» du cadre tactique parisien lors de cette soirée londonienne.

Depuis lors, Luis Enrique ramasse sur les réseaux sociaux. Et la corporation des journalistes n’est pas en reste, pointant le mépris relatif dans lequel la tient l’ancien sélectionneur de la sélection espagnole. Il est vrai qu’un média n’est jamais qu’un intermédiaire entre le grand public et les acteurs du jeu. Et que Canal + paye cher (480 millions d’euros par saison) les droits de retransmission des matchs de la Ligue des champions, ainsi que les quelques mots lâchés par l’entraîneur juste après le coup de sifflet final, alors que les reporters de la presse écrite attendent trois plombes pour que ce même entraîneur s’adresse à eux. Luis Enrique n’est pas précisément un interlocuteur agréable envers les journalistes (hommes et femmes, ce qui permet d’écarter les soupçons de sexisme liés à la séquence de mardi soir), c’est vrai, nos confrères espagnols nous avaient prévenus. C’est d’ailleurs son droit.

Un entraîneur qui ne parle pas est d’abord un entraîneur qui ne ment pas

Comme de couper court au carnaval – on pèse les mots – qui suit les matchs de ce niveau, les éléments de langage débités au mètre, les considérations pseudo-tactiques pour les nuls («L’idée était d’avoir le ballon», sans déconner ?) ou les phrases toutes faites («On est déçu d’avoir perdu», «On est revenu sur le terrain en deuxième mi-temps avec de meilleures intentions», «On a mis les ingrédients»…) que les journalistes de presse écrite se répètent pendant les trois plombes susmentionnées pour rire et patienter en attendant que les joueurs ou l’entraîneur déboulent. C’est le postulat d’Euclide du foot à ces altitudes : un entraîneur qui ne parle pas est d’abord un entraîneur qui ne ment pas.

Et Luis Enrique met tout le monde au même tarif, contrairement à certains de ses collègues (à commencer par l’un de ses prédécesseurs au Paris-SG) qui s’achètent un peu d’influence dans les médias en lâchant certaines choses en off à des interlocuteurs choisis. Mardi soir, il a pleinement occupé son rôle : en se mettant tout le monde à dos en une phrase, il a en partie éclipsé le match médiocre de son équipe à Arsenal et voilà le genre de leurre que les entraîneurs maîtrisent parfaitement. La veille, il avait d’ailleurs tenu la même ligne transparente en lâchant en conférence de presse une petite bombe : «Je ne suis pas là [au Paris-SG] pour gagner la Ligue des champions, mais pour construire une équipe.» Et endosser une politique sans star (donc sans très grands joueurs) dessinée par les propriétaires qataris du club, dont il n’est jamais que l’employé zélé. Luis Enrique peut toujours parfois envoyer la terre entière au diable, il mérite d’être écouté plus que beaucoup d’autres.