«Messi, Messi, Messi». Le nom de «la Pulga» est visible partout, audible tout le temps. Avec cinq buts sur cette Coupe du monde et d’innombrables actions de génie, le capitaine argentin est évidemment pour beaucoup dans l’ascension de son pays jusqu’à la finale, ce dimanche contre les Bleus (16 heures). Mais d’autres joueurs ont aussi eu un rôle non négligeable, se révélant au passage aux yeux du grand public. En voici trois sans qui Lionel Messi serait possiblement en train de ruminer cette Coupe du monde à son domicile parisien.
Julian Alvarez, devenu atout offensif numéro 2
Dans sa quête, Lionel Messi s’est trouvé un nouveau lieutenant : en provoquant un penalty puis en marquant un doublé en demi-finale contre la Croatie (3-0) mardi, le jeune Julian Alvarez, 22 ans, a grandement participé à la qualification en finale des Argentins. Une mise en lumière à laquelle l’attaquant de Manchester City était jusqu’alors assez peu habitué, car cantonné au rôle de remplaçant de luxe en club comme en sélection.
Julien Alvarez a d’ailleurs démarré le Mondial sur le banc, lors du revers inattendu contre l’Arabie Saoudite. Initialement, le rôle de bras droit offensif de «la Pulga» devait se jouer entre l’ex-Parisien Angel Di Maria et l’attaquant de l’Inter Milan Lautaro Martinez, si précieux dans la conquête de la Copa America en 2021. Sauf que le premier revenait de blessure et a peiné a retrouvé le rythme, le second est en crise de confiance, n’ayant guère réussi dans ce Mondial que le dernier tir au but de la qualification contre les Pays-Bas en quarts.
A l’inverse, le jeune buteur de Manchester City, 22 ans, recruté en janvier dernier pour 22 millions d’euros depuis le club argentin de River Plate, est arrivé au Qatar en pleine forme. S’il est barré en Angleterre par le cyborg Erling Haaland, Julian Alvarez a tout de même déjà inscrit trois buts cette saison en championnat. «Je sais à quel point c’est difficile quand on ne joue pas régulièrement… Mais depuis le premier jour, beaucoup de choses nous impressionnent chez lui», l’a félicité son entraîneur Pep Guardiola. «Il est très technique, très difficile à marquer, avec une bonne finition. Un mec super, un peu timide», a abondé son partenaire à City, le défenseur néerlandais Nathan Aké, qui l’a affronté en quarts.
Au Qatar, son entrée en jeu contre le Mexique lors du deuxième match de groupe a relancé une Argentine moribonde dans le jeu. Titulaire lors de la troisième rencontre face à la Pologne, Alvarez a inscrit le but du break, synonyme de qualification argentine en huitièmes. Il n’est jamais retourné sur le banc depuis. C’est encore lui qui a éteint les Australiens en huitièmes en interceptant un ballon hasardeux avant de le pousser au fond pour le 2-0 peu avant l’heure de jeu. Par son activité et sa ténacité, Julian Alvarez risque de poser de sérieux problèmes à la puissante défense française.
A lire aussi :
Enzo Fernandez, nouvel empereur du milieu argentin
Alvarez n’est pas le seul produit made in River Plate à briller sur cette édition qatarie : son ex-coéquipier Enzo Fernandez, qui n’a fêté sa première cape qu’en septembre dernier, rayonne dans l’entrejeu de l’Albiceleste. Et comme Alvarez, lui aussi a gagné sa place de titulaire à l’issue de la phase de poules, grâce à des prestations complètes et sans fausses notes. Il a scellé le succès des siens face au rival mexicain d’une frappe chirurgicale brossée du droit pile dans la lucarne de Guillermo Ochoa. «Enzo ne me surprend pas. […] Il le mérite, c’est un joueur incroyable. Je suis très heureux pour lui et pour nous», l’avait complimenté Messi ce soir-là. Contre la Pologne, Enzo Fernandez a ensuite idéalement servi son compère Alvarez pour le second but du break.
Le jeune milieu argentin court beaucoup (11,6 km en moyenne par rencontre), joue propre des deux côtés du terrain (88 % de passes réussies, quatre fautes seulement depuis le début du tournoi), avec une grande débauche d’énergie. De la qualité de sa prestation au centre des débats pourrait bien dépendre l’issue du match.
Enrôlé par Benfica l’été dernier pour «seulement» 12 millions d’euros, alors que plusieurs grands clubs d’Europe avaient déjà montré leur intérêt, Enzo Fernandez pourrait devenir l’Argentin le plus cher de l’histoire dès l’an prochain. Le club portugais a fixé sa clause à 120 millions d’euros, bien au-dessus des 90 millions d’euros que la Juventus avait dû débourser pour faire signer Gonzalo Higuain en 2016. Une belle plus-value en perspective.
Récit
Emiliano Martinez, gardien du temple
C’est presque devenu une maxime à force d’entendre les sélectionneurs le dire : on ne remporte pas une Coupe du monde sans un grand gardien. Si la France dispose d’un énorme capitaine Lloris, l’Argentine peut compter sur Emiliano «Dibu» Martinez. Point d’orgue de son Mondial : cette séance de tirs au but en quarts contre les Pays-Bas, épilogue d’un thriller au couteau entre les deux sélections. Grâce à ses deux arrêts lors des deux premiers tirs au but néerlandais, le portier de l’Albiceleste a porté tout un pays sur son dos. Une séquence a fait le tour du monde : pendant que le reste de l’équipe célèbre autour de Lautaro Martinez, auteur du tir au but victorieux, Lionel Messi accourt pour remercier son gardien, face au sol, bras en croix. Messi : «Je lui ai dit que c’était une bête, que c’était un phénomène.» Lui : «Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour les 45 millions (d’Argentins) qui traversent une mauvaise période économique. Donner de la joie aux gens, c’est ce qui m’arrive de mieux en ce moment.»
L’apogée d’une carrière atypique : formé au CA Independiente, en banlieue de Buenos Aires, celui qui est surnommé «Dibu» en raison de sa prétendue ressemblance avec le personnage éponyme d’un dessin animé très populaire en Argentine, a atterri dès 2010 à Arsenal, à 18 ans. Il erre ensuite pendant près de dix ans, en alternant les prêts dans des clubs de seconde zone, toujours en Angleterre, hormis un détour d’un an (2017-2018) à Getafe. Avant d’enfin enfiler le costume de gardien titulaire à 28 ans, en fin de saison 2019-2020, à Arsenal. Puis de se révéler comme l’un des meilleurs gardiens du championnat anglais à Aston Villa.
Même destin en sélection : appelé pour faire le nombre en 2011, il n’est plus convoqué pendant dix ans. Ce n’est qu’en juin 2021 qu’il valide sa première cape dans les cages de l’Albiceleste, avant de confirmer son statut lors du sacre en Copa America, en 2021. C’est là que se construit sa réputation de spécialiste des pénos : en demi-finale contre la Colombie, l’Argentine est poussée aux tirs au but (1-1). Martinez multiplie alors les provocations pour déstabiliser les tireurs et sort deux arrêts pour hisser son équipe en finale, et finit Gant d’or du tournoi. «La première chose que j’ai faite après ça, c’est d’appeler ma psychologue pour me calmer. On a passé des heures à discuter», avait-il raconté quelques mois plus tard. Avis aux Bleus, mieux vaudra entériner la victoire avant une périlleuse série de tir aux buts.