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Libération
Transfert douteux

«Moi je regarde le sportif» : Laurent Blanc évacue le cas Dejan Lovren, recrue de l’OL et amateur de chants et salut fascistes

Coupe du monde 2018dossier
L’entraîneur rhodanien a maladroitement tenté de déminer la controverse autour de l’arrivée de la recrue croate de 33 ans, filmée trois semaines plus tôt en train de reprendre un chant nationaliste et de faire un salut fasciste lors de festivités suivant la 3e place de la Croatie au Mondial qatari.
Dejan Lovren au stade Khalifa, à l'issue du match pour la troisième place de la Coupe du monde contre le Maroc, le 17 décembre. (Molly Darlington /Reuters)
publié le 5 janvier 2023 à 18h21
(mis à jour le 5 janvier 2023 à 18h22)

Huitième du classement de Ligue 1, autrement dit un peu à la ramasse vu son statut, l’Olympique Lyonnais a décidé, pour se renforcer en vue de la fin de saison, de rappeler un ancien du club, Dejan Lovren. Déjà passé sur les bords du Rhône de 2010 à 2013, vainqueur de la Ligue des champions avec Liverpool en 2019 et finaliste de la Coupe du monde 2 018 avec la Croatie face aux Bleus, le défenseur en provenance du Zénith Saint-Pétersbourg est un visage familier du foot européen.

Ce que le microcosme du foot ignorait en revanche, c’est que le défenseur international peut se laisser aller aux chants et saluts fascistes. Mi-décembre, le Croate a été filmé avec son coéquipier et milieu de l’Inter Milan, Marcelo Brozovic, en train de reprendre à tue-tête, le chant fasciste Za Dom Spremni (littéralement Prêt pour la patrie) interdit par la loi, clamé durant la Seconde Guerre mondiale par les Oustachis, un mouvement croate pronazi, lors des célébrations qui suivaient la troisième place du pays à l’issue de la Coupe du monde. Le tout accompagné d’un salut bras tendu en mimant un pistolet, équivalent du «Sieg heil» nazi. Une gestuelle utilisée par les Oustachis et reprise par les groupes paramilitaires durant les guerres de Yougoslavie.

Du reste, une autre vidéo prise quelques jours plus tôt, pendant le Mondial, montrait déjà plusieurs joueurs de l’équipe croate célébrant leur victoire sur le Brésil en quarts de finale en reprenant une chanson issue du répertoire du chanteur néo-fasciste Marko Perković, membre du groupe Thompson. Le chant fait allusion à l’ex-République croate de Bosnie «Herceg-Bosna», sorte d’Etat fantoche autoproclamé durant les guerres de Yougoslavie, dont les dirigeants furent jugés responsables de crimes contre l’humanité en Bosnie-Herzégovine. En avril 2022, le même Lovren prenait Disney en grippe sur les réseaux pour un motif homophobe. On le voit dans un tweet posté en avril 2022 en train de résilier son abonnement, en réaction aux récentes prises de position de la compagnie en soutien des droits des personnes LGBTQ +.

«Moi je regarde le sportif»

Pas de quoi rebuter la cellule recrutement de l’OL, qui a décidé, malgré tout l’extra-sportif nauséabond risquant de perturber le club, de signer le Croate. Jeudi 5 décembre, Laurent Blanc, entraîneur des Gones récemment revenu sur le banc de touche après plusieurs années de préretraite, n’a pas échappé aux questions au sujet des accointances d’extrême droite de sa nouvelle recrue. Ses réponses sont pour le moins évasives. Sur le chant : «C’est un chant nationaliste pour la libération de son pays», évacue Blanc sans vergogne. Le salut nazi ? «C’est… C’est… Comme ça, ça paraît dur mais certainement, vous lui poserez la question», bégaie cette fois l’ancien sélectionneur des Bleus, ajoutant qu’il ne peut «pas répondre à sa place».

Relancé une nouvelle fois sur le fait qu’il condamne ou non ces agissements, Laurent Blanc se cache derrière le sportif, et la si commode réalité du terrain : «Ecoutez… Moi, j’ai vu, j’ai vu… alors peut-être que ça ne vous paraît pas très approfondi, mais j’ai vu la chose qu’il pouvait amener en tant que joueur au club. C’est une bonne recrue en tant que footballeur. Si on regarde l’homme, c’est votre jugement. Moi je regarde le sportif. J’ai vu un homme très respectueux avec sa famille, ses enfants, sa femme.» Relancé une ultime fois sur le caractère choquant d’un tel comportement, celui qui défendait dix ans plus tôt la politique des quotas discriminatoires en équipe de France sort encore les rames : «Il y a tellement de choses qui choquent en ce moment… Il y a beaucoup de sujets qui choquent, et on peut le comprendre. Mais là, on est dans une conférence de presse de sport.»

Ce come-back d’un joueur avec un tel pedigree dans le paysage footballistique français n’a pas l’air d’émouvoir non plus les institutions du sport françaises puisque à ce jour, ni la Fédération française de foot (FFF), ni la Ligue de football professionnelle, organisatrice du championnat de France, ou le ministère des Sports n’avaient réagi au transfert.