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Libération
Disparition

Mort du footballeur «Toto» Schillaci, improbable héros du Mondial 1990 qui «a réunifié l’Italie»

Sa carrière fut celle d’une étoile filante, mais il avait gardé une place à part dans le cœur des Italiens : le meilleur buteur de la Coupe du monde 1990 est mort à l’âge de 59 ans, annonce la Fédération italienne de football ce mercredi 18 septembre.
Salvatore Schillaci pendant la Coupe du monde 1990. (Alessandro Sabattini/Getty Images)
publié le 18 septembre 2024 à 16h21

«Toto» le héros est porté disparu. Arrivé de nulle part pour incendier la Coupe du monde que l’Italie organisait il y a trente-quatre ans pour repartir presque aussitôt une fois les flonflons éteints, Salvatore Schillaci‚ «joueur-symbole du Mondial 1990», est mort à 59 ans à Palerme, a annoncé ce mercredi 18 septembre la Fédération italienne de football (FIGC). L’ancien joueur avait annoncé l’an dernier souffrir d’un cancer du côlon et était hospitalisé en soins intensifs depuis la semaine dernière.

On rembobine l’histoire de Toto, un Sicilien pur jus et format de poche pour un footeux (1,73 m), qui portait sur son visage et dans son allure ses origines de terronne («cul-terreux») comme méprisaient les Italiens du Nord leurs compatriotes du Sud profond. Parmi les premiers, les supporteurs de la Juventus de Turin, où il débarque en 1989, prompts à railler son expression orale approximative avant de succomber à l’efficacité du buteur et à la simplicité de l’homme.

Schilacci n’était pourtant pas un enfant de la terre mais du bitume, celui d’un quartier populaire de Palerme où il a vu le jour. Chez les Schillaci, on ne roule pas sur les lires, Salvatore multiplie les petits boulots tout en faisant preuve, sur les terrains de foot, d’une volonté et d’une rage de marquer qui impressionnent tous les entraîneurs qu’il croise. Du club de la société de transports publics de Palerme, il passe à celui de Messine, qu’il mène de la 4e à la 2e division puis à la Juventus, avec laquelle il réussit une saison 1989-1990 pleine : coupe d’Italie, coupe de l’UEFA, 21 buts.

«Ma carrière, d’une certaine manière, a duré trois semaines»

Pas de quoi lui donner l’audace de coincer d’un crampon la porte de la Nazionale, qui s’apprête à disputer la Coupe du monde 1990 à domicile. Il est l’appelé de la dernière minute de l’entraîneur Azeglio Vicini. A l’Equipe, en 2014, il racontait : «C’était une nouvelle incroyable. J’ai appelé mes parents à Palerme, c’était beau. J’étais content d’en être, même si je ne me faisais pas d’illusions. Je me disais : “Au moins, tu seras en tribune, tu pourras voir les matchs de près.” Titulaire, en revanche, c’était clairement impossible.»

Remplaçant lors du premier match, il entre et marque. En état de grâce, il ne sortira plus de l’équipe et empile les pions. Il mettra un cinquième but lors de la défaite de l’Italie contre l’Argentine de Maradona (1-2) et un sixième contre l’Angleterre lors du match pour la troisième place (1-1, 4 t.a.b. à 3). Six buts qui font de lui le meilleur marqueur de ce Mondial. Six réalisations qu’il célèbre en traversant le terrain avec un regard halluciné, qui restera dans les mémoires autant que sa capacité à s’élever au-dessus des défenseurs. Six buts qui abolissent la frontière symbolique entre le Nord et le Sud de l’Italie : «J’ai réunifié l’Italie», lance-t-il même pendant la compétition.

Après le Mondial, il joue huit fois en équipe nationale (la dernière en septembre 1991), ne marque plus qu’une fois. Après deux saisons sans relief à la Juventus puis à l’Inter, il est le premier joueur italien à signer un contrat en or pour le Japon avant de rentrer à Palerme en 2000 pour s’occuper d’une école de foot. «Ma carrière, d’une certaine manière, a duré trois semaines. Mais je ne les échangerais pour rien au monde contre des titres», disait-il. Toto Schillaci n’a pas surfé la vague du succès sportif mais la parenthèse enchantée de l’été 1990 a réservé une place à part dans le cœur des Italiens à cet homme à la personnalité si attachante, qu’on a aussi vu dans les versions transalpines de l’Ile des célébrités ou Pékin express.