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Libération
Intolérance

Nouvelle sanction pour le joueur du FC Nantes Mostafa Mohamed, qui invoque sa «foi» en boycottant la journée contre l’homophobie samedi

Pour la troisième année d’affilée, l’avant-centre égyptien du FC Nantes refuse de participer à l’unique journée dédiée à la lutte contre l’homophobie dans le football, programmée samedi 17 mai lors des derniers matchs de Ligue 1.
Mostafa Mohamed, le 18 avril 2025. (DAMIEN MEYER/AFP)
publié le 15 mai 2025 à 19h50
(mis à jour le 16 mai 2025 à 18h06)

Trois ans de suite, même refus, même intolérance. Mostafa Mohamed persiste, et ce malgré les rappels à l’ordre. Cette année encore, le FC Nantes sanctionnera financièrement son attaquant égyptien, qui refuse de jouer samedi 17 mai, lors de la journée dédiée par la Ligue 1 à la lutte contre l’homophobie, a appris ce jeudi 15 mai l’AFP de source proche. L’enjeu est d’autant plus grand pour le club que cet ultime match de la saison, contre Montpellier, est décisif : il pourrait faire basculer le FC Nantes en Ligue 2.

L’attaquant international est coutumier du fait. Il avait déjà refusé de jouer, les deux dernières saisons, les rencontres prévues lors de la journée de mobilisation contre les violences et la discrimination envers les personnes homosexuelles. En 2023, son entourage avait évoqué des «menaces» contre lui s’il jouait cette journée, mais le club lui avait déjà infligé une amende reversée à SOS Homophobie.

«Petit souci musculaire»

Une autre source proche du club a indiqué à l’AFP que, cette année encore, l’argent serait reversé à une association luttant contre l’homophobie, confirmant une information de RMC et de l’Equipe. Le montant de l’amende n’est pas connu. A la mi-journée, en conférence de presse, l’entraîneur Antoine Kombouaré avait invoqué une possible blessure du joueur pour justifier son absence à l’entraînement du matin. «Euh… petit souci musculaire», avait lancé, manifestement gêné, le Kanak.

Interrogé spécifiquement sur un possible lien avec la journée contre l’homophobie, et après un grand soupir, Kombouaré avait poursuivi : «Après on peut tout imaginer. Moi, c’est le cadet de mes soucis, aujourd’hui.» «Je prépare un match vital pour le club, crucial pour le club, donc [ce qui m’intéresse] c’est : quels sont les joueurs, aujourd’hui, concernés par le match, qui sont prêts à aller chercher une victoire contre Montpellier. Le reste…..» a-t-il argumenté. Mostafa Mohamed ne figure finalement pas dans le groupe parti se mettre au vert à deux jours de cette rencontre décisive.

«L’homophobie n’est pas une “sensibilité” ou une “diversité”, c’est un délit»

Dans une story publiée vendredi sur Instagram, le joueur a invoqué ses «origines» et sa «foi» pour justifier son boycott. Le joueur estime ainisi que son refus d’y prendre part «n’exprime ni rejet ni jugement, seulement une fidélité à ce qui me construit. [...] Chacun porte en lui une histoire, une culture, une sensibilité. Vivre ensemble, c’est aussi reconnaître que cette diversité peut s’exprimer de manière différente selon les personnes».

Malgré la contradiction évidente entre sa décision et la manière dont il cherche à l’atténuer, le joueur nie toue homophobie dans sa démarche : «Je crois au respect mutuel – celui qu’on doit aux autres, mais aussi celui qu’on se doit à soi-même et à ses convictions».

Pas de quoi convaincre la ministre Aurore Bergé, qui a réagi sur X : «Dans la République française, la foi n’est pas et ne sera jamais au dessus de la loi. L’homophobie n’est pas une “sensibilité” ou une “diversité”, c’est un délit.» La titulaire du portefeuille de l’Egalité femmes-hommes poursuit par ailleurs, jugeant visiblement la sanction du club insuffisante : «Il est temps que des sanctions claires soient prises.»

Quinzième et premier non-relégable avec 33 points, Nantes a besoin d’un point lors de la 34e et dernière journée pour être assuré de jouer en L1 l’an prochain sans dépendre du résultat du Havre, 16e et barragiste virtuel à deux longueurs des Canaris, qui se déplace à Strasbourg.

Sanctions inefficaces

Mostafa Mohamed n’est pas le seul joueur à refuser de jouer lors de la journée de lutte contre l’homophobie. Comme le souligne un communiqué du collectif Rouge direct – qui dénonce les actes homophobes dans le monde du football –, le joueur égyptien vient seulement «ouvrir le bal des footballeurs qui refusent et refuseront de participer à la Journée de lutte contre l’homophobie dans le football ce week-end». «Il faut s’attendre à un replay des années précédentes, lors desquelles des dizaines de joueurs ont refusé de participer à cette action de lutte contre les discriminations, en raison d’opinions homophobes, même si ces opinions homophobes ne sont pas exprimées et assumées explicitement», ajoute le collectif.

Et les sanctions financières et disciplinaires semblent faire peu effet. «Quel cadre disciplinaire, juridique clair et uniformisé [la Ligue] a-t-elle transmis aux clubs pour sanctionner ces comportements inacceptables ?», demande Rouge direct, dénonçant des joueurs qui «pourrissent l’image du football». L’an dernier, la Ligue de football professionnel avait suspendu pour quatre matchs le milieu de terrain malien de l’AS Monaco, Mohamed Camara, parce qu’il avait masqué le logo de l’opération sur son maillot avec du sparadrap. Le joueur avait reçu le soutien de personnalités maliennes et de nombreux compatriotes, au nom du respect des convictions personnelles et religieuses.

Mise à jour vendredi 16 mai avec les justifications du joueur.