L’audience aura duré près de 2 heures 30. Wilfried S. barbe naissante, cheveux bruns et courts, se tient derrière la vitre, porte une veste noire à capuche, un t-shirt blanc, et les épaules baissées. Il «regrette» son geste, n’est «pas fier», dit n’avoir «rien contre Payet» et «respecter les deux clubs», répond laconiquement, s’excusera auprès des parties civiles. Supporteur de l’OL depuis une vingtaine d’années, ce livreur de 32 ans, qui assiste à une quinzaine de matchs par an, a été interpellé dimanche soir puis placé immédiatement en garde à vue après avoir jeté une bouteille d’eau en direction de Dimitri Payet, lors du match Lyon-Marseille (ligue 1), lequel s’est immédiatement écroulé sur le terrain. Il était poursuivi pour «violence avec arme par destination dans une enceinte sportive» et jugé en comparution immédiate ce mardi, à Lyon.
Il explique avoir voulu «viser autour de lui» mais «pas le toucher». «Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, j’étais dans l’euphorie du match. […] ça ne m’a pas réjoui. […] Je ne suis pas anti-marseillais», se défend le villeurbannais. Ses mains sont serrées dans son dos. Il jette des coups d’œil à la salle, semble attentif aux mots de la Présidente du tribunal, de la Procureure, des avocats des parties civiles (Dimitri Payet, l’OM, l’OL, l’UNFP, la LFP et trois supporteurs et supportrices de foot).
«Ce n’est pas le procès du supporteurisme, du football ou de la sécurité dans les stades. Il s’agit d’un procès pénal à l’encontre d’un individu dont les faits reprochés sont juridiquement qualifiés. Dimitri Payet a été très choqué, il a subi un traumatisme psychologique. Cette violence doit être jugée», plaide Maître Daurat, avocat du joueur de Ligue 1 et de l’OM, qui demande 1 euro symbolique pour préjudice moral. Wilfried S. baisse les yeux. Les autres parties civiles et la Procureur Béatrice Moure renchérissent. «On ne veut pas faire un exemple de cette affaire. […] C’est le procès d’un acte de violence. J’ai l’impression qu’il y a un sentiment d’impunité», ajoute Maître Peyrelevare, l’avocat de la Ligue de football professionnel. «Le risque zéro n’existe pas, mais la tolérance zéro existe, et elle s’imposera à la justice et à une peine exemplaire» cingle la Procureure de la république Béatrice Moure, après avoir cité Pierre de Coubertin et avant d’ajouter «l’euphorie, ce n’est pas la violence» et de qualifier cet acte de violence «d’intentionnel». Elle requiert une lourde peine : six mois de prison ferme, 5 ans d’interdiction de stade et une obligation de pointer lors de manifestations sportives.
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«La violence est consubstantielle de ce sport. C’est la gestion de cette crise qui a provoqué la médiatisation de l’affaire, et c’est la médiatisation de l’affaire qui provoque les réquisitions de la procureure,» plaide l’avocat de Wilfried S., Maître Metaxas, précisant que le geste de son client était certes «volontaire», mais «non intentionnel». Wilfried S. est condamné à 6 mois de prison avec sursis (deux ans de probation), et à une interdiction de fréquenter le Groupama Stadium pendant 5 ans. Au rendu de la décision, il acquiesce, les épaules toujours baissées, les mains serrées dans le dos.