Sa sortie de scène aura été bien dans sa manière, tenant à la fois de la mortification (ne cherchez pas le coupable, c’est moi) et de ce besoin de transcendance, cette «âme» qu’il aura appelée de ses vœux jusqu’au bout pour habiter son équipe mais qui, à l’entendre, n’aura jamais visité la Commanderie ou les matchs de l’Olympique de Marseille sous sa mandature. Battu dimanche soir (0-1) à Brest alors que son équipe était en supériorité numérique, l’entraîneur italien de l’OM, Gennaro Gattuso, était sur la bascule. Sa direction a appuyé sur le bouton. Arrivé à Marseille le 27 septembre après le psychodrame qui aura poussé l’Espagnol Marcelino à laisser la place, le Calabrais a été débarqué ce lundi 19 février.

Ses derniers mots donc, à Brest, dans une salle de presse exiguë du stade Francis-Le Blé : «Je suis le premier responsable et je demande pardon à nos supporteurs. C’est la première chose à faire parce que [le match disputé par l’OM] est inacceptable.» Puis, l’âme : «Je pense que le mot-clé, c’est l’âme. On a cette sensation qu’il peut se passer quelque chose [chez les adversaires] à tout moment et qu’on n’est pas en mesure de répondre. On n’est pas une vraie équipe. C’est ce que je regrette.» Voyons voir. L’Olympique de Marseille sous la présidence de Pablo Longoria, c’est un porte-avions en temps de guerre : quinze joueurs qui font leurs valises chaque été, quinze qui débarquent, un nouvel entraîneur pour chaque exercice et vai.

Alors bon, pour l’«âme», le sentiment d’appartenance, les complicités sur et en dehors du terrain, il faut faire vite, du genre deux mois. Longoria plaide une forme de modernité – le temps du foot, c’est celui qui sépare deux mercatos où les plus-values réalisées sur les transferts rendent nécessaires les mouvements de joueurs – et les résultats sont longtemps venus à son secours : en 2021-2022 avec le coach argentin Jorge Sampaoli, puis en 2022-2023 sous l’austère magister du Croate Igor Tudor, dont le management directif lui interdisait de toute manière un long bail – les joueurs auraient fini par se mutiner.

Depuis le mercato d’hiver 2022-2023, ça coince : trois échecs (Ruslan Malinovskyi, Azzedine Ounahi et Vitinha) qui ont coupé la route de la qualification directe pour la Ligue des champions (Tudor l’a dit tel quel) et l’impression que le mikado de Longoria ne retombe plus dans une configuration favorable, le dernier mercato estival ayant exacerbé la tendance – Joaquin Correa, Ismaïla Sarr, Iliman Ndiaye… Gattuso aura longtemps assumé la situation et tenté d’ajuster le mécano, en montant par exemple un système à trois attaquants pour en caser un maximum sur le gazon (le club en a sept sous contrat) alors qu’il ne peut compter que sur trois milieux de terrain à peu près valides.

La Coupe d’Afrique des nations, qui aura privé le club de sept joueurs mais qui, à ce que l’on sache, aurait pu être paramétrée par sa direction dans la construction de l’effectif cet été, aura fait le reste. Dans l’absolu, le bilan de Gattuso est moyen : neuf victoires, huit nuls et six défaites toutes compétitions confondues, mais la tendance (aucune victoire sur les sept derniers matchs) ne lui laissait aucune chance. Ces dernières semaines, le coach de l’OM s’était ému de l’exfiltration en janvier du défenseur Renan Lodi pour 23 millions d’euros et le club saoudien d’Al-Hilal, déplorant la perte d’un joueur comptant parmi les plus fiables. Autant reprocher à l’eau de mouiller : à ce prix-là, Longoria vendra toujours.

Gattuso laissera ainsi l’image d’un entraîneur protecteur avec ses hommes, passionné et plutôt corporate, assumant une politique du club difficile à maîtriser pour les hommes de terrain. Pour le remplacer, l’Equipe parle de Christophe Galtier, actuellement en poste au Qatar (Al-Duhail) et qui n’est pas du genre à se faire imposer des joueurs par sa direction, ou pas au-delà d’un certain point. Si le double champion de France (avec le Lille OSC en 2021 et le Paris-SG en 2023) ne peut pas s’engager avant la fin de saison, le club chercherait un intérimaire. Selon le quotidien sportif, le Français Jean-Louis Gasset, ancien sélectionneur de la Côte-d’Ivoire (il a été débarqué après le troisième match des Eléphants à la CAN… compétition qu’ils ont finalement remportée), pourrait être le prochain à s’asseoir sur le banc olympien. Neuvième de Ligue 1 à 6 points des places européennes et toujours qualifié en Ligue Europa, l’OM a encore des objectifs à atteindre cette saison. On devine cependant que celle-ci va être longue.