Menu
Libération
Décryptage

Qu’est-ce que DAZN, le «Netflix du sport» qui diffusera la Ligue 1 de football jusqu’en 2026 ?

Ligue 1dossier
Avec beIN Sports, le service de streaming sportif britannique DAZN a raflé les droits TV de la première division française de foot au moins pour les deux prochaines saisons. Presque inconnue en France, la plateforme y est pourtant implantée depuis trois ans.
Couramment surnommée le «Netflix du sport», DAZN offre une large gamme d’événements sportifs en direct et à la demande, pour un prix compris en 5 et 15 euros par mois. (Taidgh Barron/ZUMA.SIPA)
publié le 15 juillet 2024 à 16h21

L’écran noir est évité. En topant pour un accord de diffusion sur la période 2024-2029 lors d’un conseil d’administration de la Ligue de football professionnelle (LFP) dimanche 14 juillet, les présidents de Ligue 1 se sont épargné un nouveau crash déshonorant, en permettant à beIN Sports et DAZN de profiter des droits télévisés nationaux des neuf matchs hebdomadaires de la première division française. Le premier bénéficiera de la plus grosse affiche de chaque journée, le second devrait diffuser les huit autres rencontres.

Toutefois, si d’un côté le bouquet de chaînes sportives détenu par Doha joue un rôle important dans le foot tricolore depuis plus de dix ans, de l’autre la plateforme londonienne fait figure de petit nouveau.

Ambitions démesurées

A prononcer «da zone», soit «the zone» en phonétique d’outre-Manche. Une référence à l’état de «flow», ou «zone», un sentiment de plénitude ressenti par certains sportifs au pic de leur pratique. DAZN est une plateforme de streaming sur abonnement, née en Angleterre en juillet 2015 dans les bureaux du site sportif Sporting News. La marque est la propriété du groupe de médias sportifs Perform, dont l’actionnaire majoritaire est la société d’investissement américaine Access Industries (Warner music, Deezer), appartenant au multimilliardaire américano-britannique Len Blavatnik. Couramment surnommée le «Netflix du sport», DAZN offre une large gamme d’événements sportifs en direct et à la demande, pour un prix compris en 5 et 15 euros par mois.

Dès sa création, la plateforme cherche aussi à copier sa grande sœur sur un autre créneau : s’exporter immédiatement et massivement à travers la planète. D’abord lancés en Autriche, en Allemagne, en Suisse et au Japon en 2016, ses services ont ensuite conquis l’Amérique du Nord (Canada en 2017, Etats-Unis en 2018), avant de s’étendre en Europe (Italie en 2018, Espagne en 2019), en Amérique du Sud (Brésil en 2019), et finalement en France (et dans 200 autres pays) fin 2020, ou encore en Belgique l’an dernier.

L’ambition est claire pour la boîte et son PDG, Shay Segev : devenir la plateforme unique qui rassemblerait tous les divers droits de diffusion des différents sports diffusés dans tous les pays du monde. Selon le média Stratégies, en mars 2020, DAZN comptait 8 millions d’abonnés payants.

Un milliard de dollars de droits sportifs par an

La stratégie de la plateforme unique est particulièrement bien adaptée au contexte français. En effet, la multiplication des diffuseurs sportifs y a conduit à une fragmentation du marché. Canal+, beIN Sports, NBA Pass, Eurosport, la chaîne l’Equipe, Amazon, et même les documentaires sur Netflix… L’opportunité d’apparaître comme le gros poisson nageant au-dessus des autres est belle, même si la concurrence est féroce.

Le catalogue de la plateforme varie selon les pays, mais inclut généralement les sports les plus populaires : football, boxe, MMA, autres sports de combat, football américain (NFL)… Au Canada, l’offre comprend du tennis, du baseball et du rugby, et les Italiens ont eux droits à de la motoGP. Selon BFM TV, DAZN dépenserait plus d’un milliard de dollars par an en droits sportifs. L’entreprise ambitionne de continuer à diversifier son offre dans le futur.

En France, la stratégie des petits pas

Dans l’hexagone, DAZN se lance timidement en 2020, d’abord avec une poignée de matchs de boxe compris dans une offre à partir de deux euros par mois. Mais quelques mois à peine après son arrivée, en février 2021, la plateforme profite du fiasco Mediapro et se porte candidate auprès de la LFP pour obtenir les droits de la Ligue 1 et de la Ligue 2. L’opération n’aboutit pas, Canal+ empoche la mise, mais l’épisode la positionne comme une interlocutrice possible pour la ligue.

D’autant qu’en juin 2020, DAZN et YouTube obtenaient de l’UEFA la diffusion de la Ligue des champions féminine jusqu’en 2025, ajoutant à son crédit continental. De plus, en août 2023, un «partenariat de distribution» avec Canal+ lui permet de diffuser deux affiches de Ligue 1 à chaque journée. En échange, DAZN intègre c’est toujours le cas l’offre «sport» de Canal, qui s’est spécialisé ces dernières années dans ces accords de partenariat avec les entreprises du streaming (Netflix, OCS, Max, Warner…).

De nouveau candidat après l’ambitieux appel d’ordre de la LFP en septembre 2023, DAZN s’est d’abord évertué à convaincre des instances du foot français prudentes et sceptiques. Jouant sur le capital d’Access Industries, elle a musclé sa proposition et ses garanties, et aurait promis de verser 350 millions d’euros aux clubs dès la saison prochaine, au lieu des 300 millions initialement promis.

Au bout du contrat en 2029, l’accord prévoit 500 millions d’euros de droits nationaux, auquel s’ajoutent 160 millions de droits à l’international, et 40 millions pour la Ligue 2. Un pactole de 700 millions d’euros annuels à se répartir entre la Ligue et les clubs, de quoi mettre fin aux négociations. Les patrons de clubs ont également été rassurés par la possibilité de quitter le deal au bout de deux ans grâce à une clause de sortie activable dès 2026.

Pour les téléspectateurs français qui ne souscrivent pas au bouquet sport Canal+, le prix d’accès aux contenus de DAZN pourrait au moins doubler par rapport à l’offre actuellement disponible un abonnement mensuel à 14,99 euros ou annuel à 9,99 euros par mois. Selon les informations de RMC Sports, le prix avec les huit matchs de L1 coûterait «entre 30 et 35 euros, voire 40 euros mensuels». L’Equipe avance de son côté un abonnement à «34 euros». Des chiffres que n’a pas confirmés DAZN, qui devait d’abord acquérir les droits avant de finaliser une nouvelle offre.